Wet Moon
7.6
Wet Moon

Manga de Atsushi Kaneko (2011)

Je me suis dit, à première vue d’un regard myope mais éclairé, que le dessin ressemblait singulièrement à celui de Soil avant de prendre la peine de me renseigner sur son auteur qui se trouva être le même. Wet Moon, à Soil, ça y ressemble, et c’est même aussi chiant et décousu. Peut-être même aussi que ça partagera la même note.


Ce dessin aux traits épais et noircis, laissant peu de place aux nuances de gris, je dois admettre ne pas y être réceptif. Il n’est certainement pas mauvais et a en plus le mérite de doter l’œuvre d’une empreinte graphique pareille à nulle autre dont la qualité ne saurait être contestée. Il n’empêche que ça ne me suggère trop rien. L’aspect « Comics » y est patent et j’ai le sentiment de retrouver une certaine rigidité dans la pagination ; un aspect daté, mais ici délibérément façonné comme tel.

Wet Moon étant une relative expérience graphique au regard du delirium de son personnage principal – très en-deçà d’un Ultra Heaven cependant – le dessin revêt ici une importance particulière. Les phases fantasmagoriques sont assez plaisantes à expérimenter de visu, quoi que quelconques pour l’esprit.


L’intrigue, les personnages ; le reste aussi, tout m’aura glissé sur les yeux sans atterrir où que ce soit ensuite. Les choses se passent. Le rythme y est pourtant rapide, mais finalement erratique. Tout advient rapidement sans approfondir ou développer. À lire Wet Moon, on a parfois le sentiment d’avoir loupé un, si ce n’est deux chapitres en passant d’une page à l’autre. Le récit coule comme un long fleuve, mais pas un qui soit tranquille.


L’enquête n’est pas des plus palpitantes. Atsushi Kenako cherchant à y attribuer son sens du bizarre qui, en faussant les perceptions et les compréhensions, afin que le lecteur soit déphasé, celui-ci ne comprenne plus trop de quoi il en retourne. Je ne vous parle cependant pas d’une de ces incompréhensions qui vous titille la curiosité, mais plutôt de celles qui vous font hausser les épaules. L’auteur tient sa narration de deux mains fermes qui jamais ne tremblent, la maîtrise de son récit est criante… et pourtant, on peine à se laisser capter par l’œuvre présente.


Au final, l’investigation dont nous sommes les témoins n’en est pas vraiment une. Les éléments d’intrigue tombent tout cuit sur le sentier du protagoniste. Mais à dose raisonnable, afin que tous les mystères insipides dans lesquels barbote Wet Moon ne nous soient pas trop rapidement déballés. Le manga a beau ne faire que vingt-neuf chapitres, il apparaît interminable à compter du troisième. On ignore trop ce que l’histoire cherche à nous raconter, alors que l’enquête y est molle, les hallucinations aléatoires et les personnages n’ont de la contenance à faire valoir qu’en façade. C’est bien amené, comme intrigue ; mais ça ne mène nulle part.


Tout ce contre quoi viendra se cogner l’enquête, le maire et la corruption ambiante, l’accusation de Sata, apparaissent non pas comme des pistes venues relancer idoinement l’intrigue, mais des quêtes secondaires répandues là pour prolonger l’hémorragie.


Ce qu’on y lit d’incongru n’y est que faussement excentrique. Le rappel constant à la lune – jusque dans le titre – ne sert aucun réel propos. La lecture accomplie, on jure volontiers que l’aventure Wet Moon était davantage un prétexte au déballage d’hallucinations inconséquentes cherchant à nous perdre afin de nous surprendre. Kiwako Komiyama n’est finalement qu’un mystère esthétique qui ne nous rend jamais curieux d’elle alors qu’elle apparaît à la fois omniprésente – au point de saturer notre patience – tout en étant évanescente comme un songe. Le neo-noir qu’on s’inflige le temps de trois volumes n’est noir que de l’encre lourde venue charger les pages. Le reste n’est fait que de faux-airs – bien faits, j’admets – et d’apparats pour ne servir aucune finalité concrète. La conclusion dit tout de ce qu’aura été Wet Moon ; une course perdue vers on ne sait où qu’on aura étalée le long d’un boulevard fait de question inintéressante dont les réponses, lorsqu’on en trouve, ne s’avèrent pas concluantes.


La sévérité de ma note attribuée à Soil n’avait pas plu à des gourmets du manga, me rappelant quel béotien j’étais ; mais à la récidive, je dois admettre qu’il y a un quelque chose, chez Kaneko Atsushi, qui tend vers le rien. Je vois bien qu’il a du talent, qu’il a même des idées… mais qu’il est apparemment infoutu d’entremêler ces deux aspects afin de donner lieu à une œuvre tangible.

Plus lyrique qu’il n’est concret, Wet Moon vous échappe sans trop que vous cherchiez à le poursuive. De sa lecture, on n’en ressort ni estomaqué, ni même perdu ; seulement vaguement circonspect et déçu.

Josselin-B
3
Écrit par

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le 15 nov. 2024

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Josselin Bigaut

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