X-Force: A Force to be Reckoned With par arnonaud

Dans ce tome, Rob Liefeld prend le contrôle créatif des New Mutants et achève leur transformation en une nouvelle série : X-Force. Il dégage petit à petit les anciens personnages, ne gardant que Cannonball et Boom-Boom dans l'équipe, se réappropriant Warpath et en y mettant ses propres persos : Cable, Domino, Shatterstar et Feral. Pour moi qui n'avait pas lu les précédents épisodes de New Mutants, ce grand ménage n'a pas été gênant, je l'ai vraiment vu comme un prélude à X-Force, mais je pense que ça peut être un peu frustrant pour les fans de l'équipe classique.


Le grand truc avec Liefeld, c'est qu'il est complètement ringard aujourd'hui, moqué par tout le monde pour ses dessins souvent approximatifs (et il y a des compil' très drôles à ce niveau là sur la toile) alors qu'au début des années 90, il était une super star, et les lecteurs de l'époque adoraient vraiment son style. Le courrier des lecteurs était dithyrambiques et ses New Mutants et encore plus X-Force, se vendaient dans d'énormes quantités, c'était des grands succès. D'ailleurs ce n'est sans doute pas un hasard si des persos créé par Liefeld à l'époque, comme Deadpool, Cable et Domino sont encore populaires aujourd'hui, même s'ils ont été bien plus affinés et développés par les auteurs suivants


Du coup, ce qui m'a intéressé avec cette lecture, c'était de comprendre ce qui a fait le succès de l'auteur. L'un des facteurs, je pense, est l'énergie créatrice qui est libérée dans les pages. Le mec pond des nouveaux perso à la pelle : Gideon, Deadpool, Domino, Shatterstar, Feral, l'agent Bridge, Kane AKA Weapon X et avant ça Kane et les nombreux vilains du MLF (dont Stryfe). Et il essaye de tous les rendre classe et badass. Ils n'ont pas forcément beaucoup de background et de profondeurs, mais depuis les récits de Kirby et Ditko et les X-Men de Cockrum/Claremont/Byrne, avait-on déjà vu une telle arrivée massive de personnages "cools" ? (et a t-on réellement revu ça depuis ?) Forcément ça a marqué les esprits.


Surtout que c'est habité par un dynamisme, un côté très adolescent de faire du "faux mature" avec des gros flingues, des griffes, des épées, de la violence, des postures épiques et impressionnantes mais sans en assumer les conséquences sur l'histoire qui reste elle très innocentes. Y a pas de maturité ni de profondeur dans le propos, c'est du bien vs le mal très basique, où l'on ne comprend même pas vraiment quels sont les objectifs et motivations des méchants (mais c'est pareil pour les gentils en même temps) et où les nuances de gris sont absentes. Et ça reste hyper coloré, excitant, dynamique dans la narration. Quelque part, ça me semble être le cocktail parfait pour plaire à un public adolescent : l'apparence de la maturité mais le cœur d'un récit d'enfant. Il faut dire également que les persos et intrigues de Liefeld sont un vrai cocktail d'influence de la pop-culture de l'époque, que ce soit les films d'action, les jeux vidéo, la pop-culture japonaise qui commence à arriver, on sent que l'auteur nous fait un méga mélange de tout ce qu'il a aimé, et forcément là aussi, les lecteurs s'y sont retrouvé dans ce côté maxi best-of.


Et donc une fois séduit par les persos qui sont souvent mis en scène de manière impressionnante dans les pages, il y a aussi le dynamisme constant, l'action en permanence, qui permettent de passer outre le gros n'importe quoi du style de Liefeld, très inégal, que ce soit ces yeux plissés improbables ou ces affreuses hachures perpendiculaires hyper épaisses dans le fond des cases (il est bien meilleur quand il fait des fonds à base de motifs géométriques pour représenter de la technologie ou des écrans, c'est quasiment abstrait mais plus efficace visuellement). Et franchement, il est mieux mis en valeur par la colorisation limitée de l'époque (surtout quand elle est très bariolée, ça renforce le côté excitant et adolescent du récit) que par la colorisation numérique dégueulasse qu'il a souvent eu ensuite.


En terme d'histoire il ne faut pas trop en demander. Comme dit, c'est très basique, et on a plus des prétextes à des scènes d'action (beaucoup trop de scènes d'entraînement notamment) qu'autre chose. Ça lance des bouts d'intrigues dans tous les sens, avec pleins de menaces potentielles (le MLF, Tolliver, le Club des Damnés, le Mojoworld, les Morlocks...) pour ne rien en faire pour le moment et finalement faire un arc beaucoup trop long de 3 numéros face à ces vilains pas fous que sont le duo Fléau/Black Tom Cassidy (en plus c'est un arc en crossover avec le Spider-Man de McFarlane et à lire à l'horizontale, pour aller au bout des gimmicks 90's).


Le plus gros problème c'est que y a très peu de travail sur les personnages. On sent que Nicieza récupère les pages et doit se débrouiller pour bidouiller des dialogues par dessus mais sans trop savoir quoi en faire. Du coup on développe très peu leurs caractères au delà de banalité, ils ont très peu de background (en particulier Domino), des personnalités très caricaturales et ils parlent beaucoup trop pour ne rien dire ou s'envoyer des punch lines nulles à chier. On se paye des kilotonnes de dialogues indigents, c'est quelque chose, en particulier durant les bastons et surtout le crossover face au Fléau. Le mieux d'ailleurs, dans ce cross, c'est quand McFarlane fait des choses à la fin de son épisode qui ne sont absolument pas prises en compte par Liefeld et Nicieza dans l'épisode d'après.


Donc à mon sens ce tome de X-Force n'est pas une lecture médiocre, mais c'est clair que si vous voulez le nouveau Daredevil Born Again ou le nouveau Watchmen, il faut aller voir ailleurs. Là c'est plus pour les amateurs de récit d'action bas-du-front (même si l'action n'est pas si bien mise en scène que ça d'ailleurs) et pour ceux qui voudront connaître les origines de X-Force, Deadpool (ça donne un peu de contexte pour ses premières mini-séries d'ailleurs) et Domino. Y a une belle énergie et des persos sympathiques si on est sensible à ces designs excessif. Les premiers épisodes ont de bonnes idées (la double attaque de la base des héros par exemple) et ont le mérite d'envoyer les mutants dans une direction inédite, c'est vraiment le cross de fin face au Fléau qui est plus chiant (mais y a une belle illu de Mignola à la toute fin pour nous récompenser).

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le 16 févr. 2019

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arnonaud

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