Moore ou Miller ? Peut être Vaughan...
Sans doute que de lire une série lorsqu'elle est terminée, avec la disparition du battage médiatique, sans influence extérieure, est beaucoup plus facile. Ne pas être influencé par la vox populi geek et jamais entièrement satisfaite est un bon moyen d'apprécier une telle œuvre. Comme "Y, The last man" est une série terminée depuis 2008, on imagine que le soufflé est légèrement retombé, qu'on peut apprécier la série dans sa brillance narrative et non dans le suspens des cliffhangers présents à la fin de chaque épisode.
Yorrick vit donc des aventures post-apocalyptiques dans un un monde sans homme. Enfin presque sans homme. D'ailleurs on peut retirer dès à présent la dénomination de "post-apocalyptique". Après tout, le monde a été marqué par la perte de la moitié de la population mais il se reconstruit assez vite sans les hommes. Cette série s'avère être un très grand manifeste sur la place du sexe dans la société, comment les femmes peuvent (il s'agit d'un avis masculin sur ce que pourraient penser les femmes après ce type de fléau...) voir leur avenir sans homme, dans quelle mesure le déni, la colère, le marchandage, la dépression et enfin l'acceptation sont vécus au travers des yeux de deux personnages brillamment développés.
On pourrait reprocher à Vaughan de parler au nom des femmes, de le laisser imaginer un monde où l'absence des hommes n'a pas anéanti la violence et la perversion de l'esprit humain. Cependant tout s'atténue à la lecture du dernier épisode. Brillante conclusion pleine de rêverie et de désillusion, l'auteur nous donne à réflechir sur la place de l'homme dans l'avenir de sa race, à la lisière de l'idée développée par Houellebecq dans "Les particules élémentaires". Car au final, il s'agit avant tout de l'histoire d'un jeune homme qui traverse un monde, qui grandit dans une position très particulière et qui va devoir apprendre et comprendre sa place véritable place.
"Y, The last man" parvient à marier comics d'aventure et réflexion philosophique tout en rendant son histoire passionnante, jamais ennuyeuse et toujours pleine de rebondissements. En ajoutant l'humour, à l'image de Bendis avec Spider-Man, les personnages deviennent plus humains au fur et à mesure des tensions, même lorsque les caractères ne s'y prêtent pas forcément. On pourrait peut être lui reprocher de faire se succéder cliffhanger à la fin de chaque épisode, pour au final ne pas les expliquer, les développer ou les exploiter, mais il s'agit avant tout d'une construction narrative qui devient un clin d’œil à chaque fois.
A mes yeux, l'une des meilleures séries de ces quinze dernières années car elle a réussi à marier de nombreuses choses, explorer de nombreuses pistes pour au final parvenir à conserver une même qualité tout au long des cinq années de parution.
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