Je devrais pas avoir d’a priori sur les mangas carcéraux. Y’en a des biens. Mais j’ai le préjugé facile, la synthèse préventive ; je condamne avant le plaidoyer, du temps, ça me permet d’en économiser une chiée. Disons-le sans ambage et amputons sèchement : ça vire dès le départ à du Prisonnier Riku croisé Rainbow. Un personnage principal INJUSTEMENT emprisonné et INJUSTEMENT maltraité par ses petits camarades, j’ai tout de suite les larmes qui se sèchent de trop avoir soupiré.


D’autant que je trouvais qu’il y avait un truc dans le dessin, c’est dire l’expertise oculaire : le manga est signé Kakizaki Masasumi, du doux de ce même dessinateur qui a prêté ses pinceaux le temps de se commettre en compagnie de George Abe pour perpétrer l’ignoble Rainbow susmentionné. En outre, on le connaît aussi pour s’être essayé au western le temps l’épopée Green Blood.

De là, le préjugé ne s’en trouve que consolidé.


Par contre, dans sa cage, le loustic de personnage principal, il y reste dix pages. Libéré sur parole qu’il est. Tout ça pour que Max Payne s’en retourne à sa vengeance. Seulement Max, qu’on aura ici grimé en nippon le temps de le baptiser Nawa, il est en proie aux forces spirituelles infernales ; il a l’occulte au cul.


Cette jeune fille qui le suit, et qui ne saurait être amalgamée à une Shinigami en dépit du fait qu’elle vient du royaume des morts et use d’une faux pour se saisir des âmes, elle ne me rappellera en rien une certaine Kuchiki Byakuya venue apporter son lot de pouvoirs à Kurosaki Ichigo quand l’adversité – et un scénario convenu – le lui auront commandé.


Vous connaissez les fruits du démon ? Dans One Piece, ça tient de l’onirique, l’univers veut ça. Dans un Seinen tendance néo-noir/horrifique, ça tient cependant du pathétique. Pas de celui qui vous émeut, mais celui qui vous navre. Le fruit Yomotsuhegui est un artifice scénaristique franchement grossier, un fruit si mûr qu’il en est même rendu liquide, empuanti de sa fermentation. Ah oui, c’est daté comme scénario. Ça l’était déjà du temps de Bleach qui, néanmoins, avait su adapter la sauce à son époque et se la réapproprier pour une formule Shônen nouvelle. On aura beau dire ici, mais sans audace ni imagination d’aucune sorte, l’œuvre qu’on lit alors a bien quarante années de retard. Oh que tout cela est mal inspiré et sent le frelaté.


Les personnages, protagonistes comme antagonistes sont évidemment pauvres, sans aucune motivation réfléchie ou travaillée et naturellement structurés par la seule caricature qui leur fera office de personnalité. Ils sont tous si transparents qu’on ne peut que regarder à travers et apercevoir qu’entre la première et quatrième de couverture, il n’y a que la reliure.


C’est graphique, le viol y est gratuit, les effusions de sang tout autant avec, au milieu un concept artistique vu cent fois déjà. Qui a vu un film de Yoshiaki Kawajiri ou tout ce que la japanimation laissait passer du milieu des années 1980 au milieu de la décennie 1990 y aura déjà vu les mêmes incongruités surnaturelles qu’on y trouve ici, mais en mieux. En bien mieux. La créature grotesque à qui Nawa doit son pouvoir est, du reste, une lamentable copie conforme de Cthulhu. Ce serait quand même bien d’écrire un manga avec une idée à soi, monsieur Masasumi. Votre compère de jadis, George Abe, était ce qu’il était sur le plan de la malhonnêteté intellectuelle, mais il était si admirable dans sa démarche qu’il pouvait se targuer d’être original.


Les poncifs sur l’héroïsme, la justice, le bien, le mal, la choucroute, enfin… tout y passe. J’eus apprécié que l’auteur, dans toute son honnêteté, s’écrie plutôt à chaque page « Je n’ai aucune inspiration » que ses intentions, ainsi, ne nous soient pas si piètrement dissimulées. Parce que ça se voit. Et vachement.

Que les idées manquent à des auteurs lancés trop loin et trop longtemps, c’est aussi fatal que c’est fréquent dans le milieu du manga. Mais lorsque, dès le premier chapitre d’un manga qui ne compte que deux volumes à l’instant où je rédige cette critique, on en vient à s’exclamer qu’il n’y pas une idée neuve dans l’affaire, c’est tragique. Plus tragique que le tragique de pacotille qu’on côtoie ici. Il n’y a pas un drame – tous si impudiquement déballés sans même être vaguement élaborés – qui nous suscitera une bribe d’émotion.


C’est littéralement du Bleach tout du long dans lequel on y aura trempé un soupçon de Zetman pour mimer la noirceur dans un récit de super-héros wasabi. Pas la version 2.0 de Bleach, qu’on s’entende, plutôt la 0.0, celle qui frayait avec le néant avant même de prendre la forme d’une ébauche de prototype. Prototype étant ici advenu, je le rappelle car c’est flagrant, avec des décennies de retard.


Courage petites éditeurs Japonais, surtout, persévérez dans vos efforts. Car à force de laisser vos auteurs toucher le fond pour ensuite les encourager à creuser davantage, vous allez le trouver votre gisement de pétrole. Gare cependant à ne pas forer le noyau terrestre dans votre entreprise hasardeuse ; on en a besoin.

Josselin-B
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le 1 sept. 2024

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Josselin Bigaut

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