Miam miam mon prince charmant
Big Yum Yum est donc la première BD de Crumb. J'ai été assez étonné du trait, radicalement différent de ce que l'auteur fait depuis les années 70.
Ce trait, je l'ai trouvé finalement très intéressant dans son relâchement et dans sa fluidité ; Crumb n'est pas complexé et n'a pas peur de dessiner 'mal'. Mal mais juste. Le trait tremblant n'empêche pas de donner un aspect croquis sur le vif à des personnages au travers de positions de corps très humaines bien que 'jetées' rapidement. Ce trait grossier vient finalement conforter l'idée qu'il s'agit d'un conte, et son irrégularité rappelle que tout n'est pas rose. De même les couleurs assez vulgaires fonctionnent assez bien et renforce ce côté faux conte pour enfant (encore que les contes de Perrault n'étaient pas vraiment roses).
Le récit est clairement inspiré de la vie de Crumb et de son ressenti par rapport à la société des années 60. Par moment l'auteur joue des métaphores et y perd son lecteur (alors soit il faut vraiment connaître Crumb pour comprendre, soit il n'y a tout simplement rien à comprendre, on est parti dans le délire onirique). En feuilletant le livre au début, j'avais l'impression que l'histoire serait un peu simpliste et gnangnan mais quand on décide de le lire comme il se doit on se rend compte que de sa complexité. L'auteur nous montre un personnage en conflit avec lui même, à la recherche du bonheur, puis nous montre comment ce même personnage arrive à auto saboter son bonheur trouvé, pour ensuite le plonger encore plus bas qu'il ne l'était au début. Enfin, un happy ending forcé par un deus ex machina passable grâce au surréalisme introduit assez vite vient clôturer le récit non pas sans une note d'humour.
Côté découpage, l'auteur ne se prive de rien. S'il ressent le besoin de faire trois grands dessins par page, il le fait (alors qu'en soi il aurait pu dessiner plus petit et amener ainsi quelques cases suivantes) et c'est tant mieux car le récit respire mieux, le rythme est allégé.
En bref, il s'agit là d'un excellent album (un premier en plus!) que je recommande chaudement.