- N'y a-t-il donc pas de punition pour les riches, colonel ? Pas d'espoir pour les pauvres ?
- Voilà une question aussi vieille que le monde, Robert. Vous ne vous attendez pas à ce que j'y apporte une réponse, au moins ?
- Ce que j'attends, Terrence, c'est un coup de main de quelqu'un qui n'a que faire de secouer quelques plumes à Washington. Connaissez-vous un homme qui pourrait infiltrer Yuma et faire tomber cette vermine une bonne fois pour toutes, au nom de la justice ?
- Eh bien, Robert... Il se trouve que je pourrais bien connaître l'homme qu'il vous faut.
Marshal Bass, tome 4 : Yuma, par les éditions Delcourt sous la plume de Darko Macan vient mettre un nouveau coup de pied dans la fourmilière romancée du western américain. Un scénariste qui alimente toujours plus son modèle atypique et implacable par une violence, une injustice, une dureté, et une réalité amère qui pose un contraste impitoyable et sale du grand far west et vient détruire un à un les fondements héroïques de ce monde fantasmé. L'envers du décor des grandes chevauchées légendaires pleines de libertés et autres fadaises selon Darko ! Pour cette quatrième bande dessinée, le lecteur est immergé avec réalisme dans un récit d'infiltration haletant et intense dans l'univers carcéral.
Le récit s'ouvre sur Robert Little de la chambre des représentants des États-Unis, qui fait appel à ce bon vieux colonel Terrence B. Helena au service des U.S. Marshals, pour le tirer d'un mauvais pas par rapport au Chef Powell, un politicien New-yorkais ayant détourné plus de douze millions de dollars des fonds de la ville de Washington. Un crime qui lui a valu un aller simple pour la prison de Ludlow Street, une forteresse pour de riches criminels blancs qui y vivent comme des rois. Une approche pertinente qui pose une critique sociale sur les vertus de la richesse. Après avoir tiré quelques ficelles, Little a réussi à extraire Powell de sa prison de luxe pour l'envoyer au pénitencier de Yuma dont il s'est rendu également maître, ne laissant plus que comme solution au représentant l'aide du colonel Helena avec ses méthodes peu orthodoxes, qui pour le coup envoie son marshal-adjoint : '' River Bass '', en tant que prisonnier infiltré sous le nom de Marcus Millar, pour régler ''définitivement'' cette affaire. Une mise en bouche palpitante qui aussitôt plonge le lecteur dans le costume de prisonnier au côté du jeune Jupiter Johnston, coupable d'avoir volé un poulet, mais aussi au côté du fameux Beef, apparu dans le premier tome : Black & White. Sur place, Bass va se confronter à une déchéance hors-normes parmi des prisonniers et des geôliers atypiques !
Au menu de cette aventure aride : alliance, trahison, torture, maltraitance et corruption, dans un cadre austère sous une chaleur de plomb où la sueur des corps se mêle à une noirceur ambiante. Yuma, c'est l'incarnation de l'injustice et de la putréfaction humaine. Une maison du cauchemar, sans loi, ni logique, où des détenus tentent de survivre entre les passages à tabac, le travail forcé et les tortures. Une prison aux proportions diaboliques autant physique que psychologique, où rester un être humain s'est se condamner à mort. Un environnement chaotique dans lequel notre ami Silver Bass débarque avec la ferme intention de se débarrasser de Powell, qui grâce à l'argent se tient à l'égal du Major Foyle, chef du pénitencier. Comme si cela ne suffisait pas, Powell a également la mainmise sur les geôliers avec un Sergent Cork particulièrement violent, ainsi que quelques détenus psychopathes, rendant la tâche de notre marshal-adjoint particulièrement complexe.
Un marshal Bass qui va devoir ruser pour vaincre, ne pouvant pas cette fois-ci compter sur ses armes en tant que prisonnier. Bass va devoir échafauder un plan pour entraîner avec lui un groupe de prisonniers et se rebeller contre l'ordre carcéral offrant une bataille finale sous fond de mutinerie particulièrement saisissante. Une approche qui contraste avec ce que l'on a déjà pu voir dans les tomes précédents, offrant des rebondissements appréciables, malgré une conclusion un peu facile vue le contexte compliqué. Les dessins d'Igor Kordey sonnent une fois encore très justes avec une approche graphique réaliste dans une mouvance comics parfaitement adaptée à la pourriture atmosphérique illustrée. Une technicité au top dont on apprécie une fois encore un superbe dessin sur une double page contextualisant la révolte des détenus contre la corruption des gardiens. Une mise en forme soignée pour une immersion totale, grâce à une ambiance poussiéreuse sur des visages étonnamment expressifs avec des traits humides et sales qui dotent cette bande dessinée d'une véritable identité visuelle reconnaissable entre mille.
CONCLUSION :
Marshal Bass, tome 4 : Yuma, est une œuvre forte, toujours fidèle à cette proposition atypique sur la flagrance et la déchéance de l’âme humaine à travers l’Ouest américain s'articulant autour d'un personnage mémorable avec Silver Bass. Un quatrième tome imparfait de par sa conclusion facile, qui contient malgré tout suffisamment de substances autant dans le fond que la forme pour rester une lecture très appréciable.
River Bass, la face obscure du western.
- Stop ! Moi tuer cinq personnes ! Avec mes mains ! Pas avancer !
- Tu veux savoir ce que moi j'ai fait ? J'ai tué mon propre fils ! Je l'ai regardé dans les yeux et je l'ai tué comme si de rien n'était ! Je m'appelle River Bass et j'ai tué mon propre fils ! Alors imagine ce que je pourrais te faire...