Accueilli de façon très mitigé comme suite du génialissime Skyfall, dans un contexte de production chaotique (scénario diffusé sur le net un an avant la sorte du film, équipe de production incertaine, explosion du budget…), qu’est-ce que Spectre nous réserve au final ? À ma grande surprise, je fais partie de ceux qui ont adoré et j’irais pousser le vice en disant qu’il s’agit probablement du deuxième meilleur Bond de l’Histoire.
Donc oui, c’est moins bon que Skyfall, mais d’un autre côté ce film est probablement le plus bondien de tous les Craig. Alors que son prédécesseur était avant tout un hommage pour célébrer le demi-siècle d’existence et poser de nouvelles bases ; Spectre se positionne comme véritable conclusion de la franchise démarrée avec Casino Royale, en formant le liant entre chacun des films jusqu’à présent, celui qui chapeaute tout ça. Le tout dans un esprit purement bondien comme autrefois.
Comment peut-on d’ailleurs reprocher le manque d’esprit, quand on retrouve absolument tous les critères de la franchise :
la scène d’intro créant le contexte du film ; des courses poursuites en voiture (magnifiques), en avion, en bateau, à pied, en ville, en montagne ; des scènes de fusillades et des combats à mains nues au milieu d’explosions plus impressionnantes les unes que les autres ; un méchant machiavélique qui veut prendre le contrôle du monde (plus ou moins) et son fidèle homme de main mutique qui paraît inébranlable ; cet humour décalé british que ce soit dans les scènes ou les dialogues ; la Bond Girl magnifique et forte (ce qui manquait pourtant à (le seul truc qui manquait à Skyfall)… On a même droit à une scène dans un train !
Si le film se pose comme conclusion logique à la franchise menée par Craig, et ouvrant carrément la porte pour un nouvel acteur (confirmant au passage une des théories les plus inspirantes au sujet de 007), il manque cependant du petit truc qui la transcenderait et aurait pu le rendre encore meilleur que Skyfall. Certains reprochent la prévisibilité du scénario, ce qui n’est pas faux, mais peut-être est-ce justement dû au fait qu’il est dans le plus pur esprit bondien dont on connait tous les codes sur les bouts de doigts.
Non, s’il faut reprocher une chose à Spectre, c’est son dernier acte. Un dernier acte à la fois inspirant (pour ce que je viens de dire) mais aussi décevant et mou, un peu cafouilleux parfois. L’idée de donner de
l’importance à M, Q et Moneypenny était bien vue (géniale même)
, mais peut-être mal exploitée ici et c’est bien dommage. Un final pas forcément bien conclut donc, peut-être trop rapidement en fait et il aurait été peut-être judicieux d’éviter quelques longueurs ici et là pour prendre son temps. Là, sauce n’a malheureusement pas vraiment le temps de monter.
Sur le casting, je n’ai pas grand-chose à dire. Craig me convainc toujours autant en Bond, je suis toujours aussi fan de Ralf Fienes en M ainsi que de Ben Wishawh en Q. Mais c’est du côté des nouvelles têtes qu’on va se tourner. Andrew Scott est plutôt bon dans son rôle au final assez prévisible (est-ce dû au code ou à son rôle dans la série Sherlock qu’on le grille tout de suite ?).
Christoph Waltz s’éclate toujours autant à interpréter les méchants un peu barrés sur les bords, et propose une nouvelle fois une interprétation très personnelle et fidèle à son jeu d’acteur, même si on est quand même loin d’arriver au niveau d’un Hans Landa.
Comme je le disais plus haut, David Bautista entre dans le panthéon des armoires mutiques invincibles de la franchise, et il s’en sort plutôt bien. Monica Bellucci a un rôle au final anecdotique, mais s’en sort pas trop mal.
Reste donc Léa Seydoux dont je ne suis pas un grand fan. Je suis donc relativement surpris de découvrir notre Léa nationale s’en sortir très honorablement dans le rôle de la James Bond girl, se positionnant même parmi les meilleures de ces dernières années (Eva Green, the best for ever). L’écriture du rôle y aide pour beaucoup, mais pour une fois son jeu d’actrice m’a plutôt convaincu.
Un casting plus qu’honorable donc, même si la symbiose n’atteint pas là encore le niveau du précédent film.
Techniquement, le film perd également un peu par rapport à Skyfall. Si la mise en scène de Sam Mendes est toujours un véritable régal à regarder (
un plan séquence pour la scène d’intro ? My Spielby, mais oui !!!
), je regrette le soin apporté à la photographie. Celle-ci est magnifique, ne nous voilons pas la face, mais n’atteint pas là aussi ce qu’on avait pu voir avec Skyfall (cette scène à Shanghai…).
Niveau décors et effets spéciaux, on comprend un peu le dépassement du budget quand on sait que presque tout est en cascade réelle (oui, oui, même l’immense explosion dans le désert, qui est d’ailleurs entrée dans le livre des records). Les décors reprennent là aussi bien les codes de la saga, en nous faisant voyager de par le monde puis en nous proposant la base secrète du méchant dans son style le plus bondien.
Une fois n’est pas coutume, je terminerai par la musique. Thomas Newman m’a presque déçu, et ce pour la première fois. Déçu parce que mise à part quelques nouveaux thèmes ici et là, la bande originale est en grande partie une reprise des principaux thèmes du précédent film. Presque, parce que je ne vais pas mentir en disant que j’aime beaucoup ces thèmes et que leur réutilisation renforce la cohésion voulue à ce film avec le reste.
Quant au générique ? Oui, c’est moins bon que Skyfall… mais Skyfall quoi ! La chanson dont on savait, à la seconde où on l’a découverte, qu’elle allait faire un carton, qu’elle allait cumuler les récompenses. Sans atteindre une tel maestria (que ce soit au niveau visuel que sonore), Wrinting’s on the Wall n’en reste pas moins une excellente chanson dans le plus pur esprit là-aussi de ces James Bond d’autrefois. Sans doute une des meilleures même.
Bref, oui, Spectre est moins bon que Skyfall. Mais pour ma part, ce fut un film devant lequel je me suis régalé et auquel j’ai pris grand plaisir à regarder. Il a ses faiblesses, mais il m’a renvoyé tellement d’images de ces Bond que j’ai vu un nombre incalculable de fois à la télé ou en VHS que je suis très content d’en avoir vu un comme ça au ciné. Alors peut-être parce qu’en ces temps troublés j’y ai trouvé un certains échos et que j’avais besoin de me libérer l’esprit, de rêver d’être l’agent secret le plus connu du monde et de sauver ce-dit monde ; mais pour moi Spectre est une réussite dans le cinéma bondien.