Je ne suis pas cinéphile. Les preuves ne manquent pas pour étayer ce propos : mes amis aiment à me rappeler que j’aime Volcano, et ma conscience me hurle que je n’ai pas réussi à conclure le Watching Challenge 2015 (qui était du coup plus fun à composer qu’à réaliser), par exemple.
Je ne suis, par extension, pas difficile (en même temps, j’aime Volcano). J’aime passer un bon moment devant un film sans devoir me prendre la tête, sans devoir passer du temps à réfléchir à pourquoi tel choix plutôt qu’un autre, pourquoi tel personnage fait telle action. Dès lors où je passe un bon moment, dès que le film me fait ressentir un truc, qu’il se passe quelque chose, il y a de fortes chances que je l’aime.
Je suis « fan » de la saga James Bond. Je mets des guillemets et je les mets à dessein, car je n’ai pas, comme on me l’a martelé, vu tous les films une trentaine de fois pour faire cette « critique ». Je n’ai vu Skyfall qu’une seule fois, par exemple. Mais je les ai tous vus depuis « Tuer n’est pas jouer », ainsi que certains anciens (« Dr No », « Goldfinger », « Octopussy » et j’en passe). La raison pour laquelle j’aime cette saga, c’est pour le personnage de James Bond. Après tout, pour quoi d’autre ? Quand on y regarde objectivement, le scénario ne casse jamais trois pattes à un canard, les scènes d’action restent basiques (même si toujours miraculeusement abouties… par le personnage de 007) et, au final, ce qui peut être un bon, voire très bon, James Bond, peut se révéler n’être qu’un film médiocre s’il n’était pas sorti sous le label JB.
Je ne demande qu’une seule et unique chose : la cohérence d’un scénario et des actions qui le servent. C’est pas compliqué : je veux qu’on m’offre ce pourquoi je paie. Je ne vais pas voir le dernier Disney pour me questionner sur la légitimité de la chasse à la gallinette cendrée entre 1953 et 1957, par exemple.
Pourquoi je vous raconte ma vie, me direz-vous ? Et bien, pour vous poser le décor : je n’ai pas aimé Spectre, et pourtant, tous les ingrédients étaient réunis pour qu’il fasse parti de mes incontournables. On m’a dit que j’étais dur, que je disais (en gros) n’importe quoi et que de toute façon « [je] n’aimais pas James Bond pour mettre une note pareille ». C’est pourquoi – entre autre – je ressens le besoin d’expliquer plus en détails mon point de vue. Ne vous attendez pas à du lyrisme de haute voltige, ni à de la poésie cinématographique pointue : ce ne sera qu’une critique d’un casu’ du cinéma.
Le film commençait pourtant bien : Fiesta de los Muertos, Mexico. On suit l’avancée de James à travers le défilé, jusque dans une chambre d’un hôtel où il retrouve sa nouvelle conquête. Et, déguisement ôté, il se la joue super-héros : « Ce ne sera pas long ». J’avais les yeux qui pétillaient devant cette scène d’ouverture. S’en suit l’empêchement d’un attentat à la bombe, une course-poursuite à pied et un combat en hélicoptère qui menace à tout moment d’écraser l’immense foule de Mexicains qui fait la fête en-dessous. Mais fort heureusement, JB réussit à stabiliser l’hélicoptère et sauve les milliers de personnes en-dessous. Il ne manque que les hourras et les applaudissements. Puis, générique, sublime comme d’habitude. Puis… Puiiiiis…
Puis plus rien. Ou presque rien. Dès la sortie du générique, on se retrouve avec le tout nouveau M qui reproche à James des tas de choses et, pour faire simple, le met en « repos ». Un scénario déjà vu, revu, archi-vu : Bond fait quelque chose, le MI6 approuve moyen, alors on le met à pied, mais en fait pas vraiment. « Meurs un autre jour » reprend ce système à la lettre près. Alors on a le droit à des échanges banals, avec l’arrivée de C (un mec sympa, jeune, souriant, mais qui veut réformer le MI6 et supprimer le programme double zéro… Enfin, un méchant déguisé, quoi, hein. Il lui manque juste le panneau « HEY ! JE SUIS UN MECHANT !!! ». A noter aussi l’évidence de l’attentat en Afrique du Sud après le gros plan sur le « NON » pour le projet de rassemblement des services secrets) et un passage chez Q qui lui intègre le Smartblood, des nano-robots qui permettent au MI6 de traquer James Bond où qu’il soit.
Je m’arrête un instant sur ce fameux sang intelligent, système donc qui arrive d’à peu près nul part, pour aucune autre raison que « Bond, vous avez évité un attentat meurtrier au Mexique mais vous avez piloté à moins de 15 mètres du sol. Au final personne sauf les méchants sont morts, alors paf, puni, vous restez à Londres ». Heu… ? Quelque chose m’échappe, là. D’autant que ce Smartblood n’est pas exploité du tout. Une mauvaise langue m’a dit que sisi, James était traqué par Spectre grâce à ce programme… oui très bien. J’ai peut-être dû m’endormir à ce moment-là, après une réplique de calamar de Léa Seydoux (qui n’a rien à envier à Carlo du coup). Alors je me suis remis en question, et effectivement : l’arrivée des méchants là où travaillait Swann ou dans le train, ça s’expliquerait, du coup. Mais dans ce cas… Pourquoi personne ne se pointe à l’Américain, pendant que la psychiatre cuve et que Bond défonce des murs ? Ne me répondez pas : il n’y en a pas.
Parlons deux secondes de cette scène, d’ailleurs. Je vais passer le changement miracle de tenue de Léa, qui passe de la robe à pression à la nuisette hyper sexy PENDANT qu’elle dort. James l’a peut-être changé après qu’elle s’est étouffée avec le reste du scénario, qui sait. Toujours est-il que, dans la même scène (ou presque), Madame Seydoux explique d'abord que « Je pleurerais mon père quand je le voudrais, Mr Bond », expliquant en gros qu’elle s’est émancipée de tout ce que son père représentait. Mais, quand James, grâce à un rat (!), trouve la pièce secrète de Mr White, la douce Madeleine se sent soudain pousser des ailes et veut se joindre à James Bond pour une folle aventure. Oui, oui. Une psychiatre veut suivre un agent secret dans ses missions mortelles… Et James accepte. Comme ça, sans raison, juste parce qu’il a fait une vague promesse à un gars qu’il a poussé à se suicider. On est comment, là, niveau conscience ?. On passera son pseudo-abandon et l'évidente capture par le méchant (dans l'ancien MI6, scène plutôt cool au demeurant).
Enfin, vous me direz, je ne devais pas en attendre beaucoup d’un film dont le scénario se repose sur « Ma patronne morte m’a envoyé un DVD où elle dit qu’un gars est à tuer et qu’il faut aller à son enterrement ». Plusieurs choses à ce propos : pourquoi ne l’a-t-elle pas dit de son vivant à son meilleur agent ? Si elle voulait le dire à sa mort pour une raison X ou Y : pourquoi doit-elle être aussi secrète et mystérieuse ? Elle peut pas expliquer ce qu’il se passe, ses soupçons, au lieu de demander à un mec d’aller tuer un quidam à qui il faudra aller à l’enterrement ? Ca n’a aucun sens, littéralement. Sans compter que Spectre, censé être une organisation malfaisante totalement badass et dangereuse… passe pour une association de quartier. Les mecs peuvent apparemment tout faire, et dans tout le film, on les voit montrer une vidéo d’une cabane paumée en Autriche et une vidéo du MI6 où on voit quand même un gars dire « Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise »… Bon c’est la VF, j’avoue, mais… Sérieusement ? Je suis d’autant plus déçu que ce principe d’organisation surpuissante avec des membres forts (un peu à la Shônen, en fait (Akatsuki, Gotei 13, les méchants d’Alabasta…)), je trouve ça d’une classe absolue. Mais ça n’a pas pris une seule seconde, parce que pas une seule seconde Spectre n’a impressionné.
Et je pourrais continuer ainsi pendant des heures :
Monica Bellucci, dans tout ça, elle arrive, pleure deux secondes, couche avec James (??) et pouf, plus de Monica Bellucci. Les scènes se suivent et, malheureusement, se ressemblent : elles sont fades ;
La course-poursuite dans Rome, sans déconner, il n’y a que moi qui ai eu cette impression de lenteur extrême ? Cette rue avec le pauvre vieillard qui a l’air d’être aussi longue d’un terrain d’Olive et Tom ? Rien que cette voiture, jolie, mais qui n’a servi à rien d’autre que de finir dans l’eau ;
Le mec dans le lit de Money-Penny, j’ai du mal à en saisir toutes les saveurs à ce moment-là du film. Ou à un autre moment, d’ailleurs : c’est censé montré quoi ? ;
Le sempiternel méchant « juste inconscient » qu’on ne finit pas pour qu’il puisse devenir dans une scène interminable dans un train au milieu d’un désert où James Bond se change, prend un repas, se bat pendant 10 minutes, puis va coucher avec Léa, tic tac badaboum ;
La scène de la torture de 007, qui est censé lui faire « perdre l’équilibre » mais qui le fait courir comme un ouf en faisant tout exploser un autre trou dans le crâne et une explosion plus tard… A noter que cette scène, où le méchant se complait à voir James souffrir, lui fait perdre la bataille. On peut avoir, un jour, un méchant normal qui tue juste le seul mec capable de lui faire foirer ses plans ? Ou juste : ne créer pas ce genre de situation dans l'écriture d'un scénario. Ca ira mieux.
Mais je crois que j’ai dépassé la limite syndicale, et que de toute façon, personne n’est arrivé jusqu’ici.
Je finirais quand même sur quelques bonnes notes.
M a réussi à me faire oublier l’ancienne M que j’aimais énormément, pour tout ce qu’elle représentait. Ralph Fiennes reprenant très bien le rôle, malgré quelques scènes stupides (genre celle au restaurant, mais c’est indépendant de sa volonté). Q est cool aussi, même si j’ai toujours une pensée émue pour le vieux, personnellement ;
Chapeau à Christoph Waltz, qui a réussi à éviter de faire un méchant dark-darkou, un peu décalé et qui est plutôt cool, au final ;
Spectre en soi est cool, mal exploité, mais l’idée est pas mauvaise.
En conclusion, je pense du fond du cœur que Spectre est un brouillon, une succession de scènes sans profondeur, incohérentes les unes avec les autres et qui auraient malheureusement dû aller plus loin dans ce qu’il proposait. Je défie quiconque de me dire que je n’ai pas aimé parce que ça avait été construit comme un thriller (un peu linéaire aussi, d’ailleurs, la construction du film), ou parce que je n’aime pas James Bond : c’est pas vrai. Le film est trop centré sur les douleurs d'un personnage censé être la pierre angulaire du film. Rien que le grand méchant... C'est son demi-frère.
Et je trouve ça d’autant plus dommage que c’est potentiellement le dernier film avec Daniel Craig : c’est cohérent avec le scénario qui boucle tout depuis Casino Royal, dommageable au vu de la qualité du film…
Bref, rendez nous le James Bond badass sans cœur et qui sait tout faire. S'il vous plaît.