Spectre. Le grand retour du plus célèbre des agents secrets britanniques, de l’homme le plus élégant d’Angleterre (Avec le Docteur, parce que les nœuds pap’ c’est cool) et le bourreau des cœurs de ses dames. Je crois que mon amour de la licence transpirait déjà dans mes articles, du magnifique Sean Connery au « bourrin-profond » Daniel Craig, en passant par le flegmatique Roger Moore et à la honteuse époque Pierce Brosnan. Je ne vous referais pas un couplet sur les films Brosnan (hormis Golden Eye, difficile de les intégrer réellement dans la licence, ère américanisée à l’extrême), mais pour comprendre ma vision préalable avant de débuter Spectre, il convient de revenir sur la période Daniel Craig débuté il y a presque 10 ans, le blondinet reprenant un rôle ou chacun de ses acteurs a réussi à poser sa patte.
Que l’on soit clair, si très subjectivement Sean Connery est le plus grand Bond de l’Histoire (enfin pas en taille…), Daniel Craig est objectivement le meilleur 007 de tous les temps. Il a réussi à allier tous les éléments ayant fait le succès de chacun des précédents acteurs, tout en y amenant sa profondeur de personnalité (inexistante chez les autres), une certaine ambiguïté et surtout à coté très bourrin, d’où son petit surnom. Il n’y a qu’à revoir la scène d’ouverture de Casino Royale pour s’en convaincre. Derrière, celui-ci, son premier film dans le rôle, EST le meilleur film James Bond de tous les temps, encore une fois très subjectivement, avec Opération Tonnerre (avec…Sean Connery). La tension de la partie de poker monténégrine (prouesse de la partie de faire tenir en haleine le spectateur juste sur ça pendant une heure et demi !), la belle complicité Craig/Eva Green, le bulldozer en Afrique, le plus célèbre grattage de c*uilles de l’Histoire, le très charismatique Mads Mikkelsen (Hannibal) en méchant et surtout la bande originale signée par Chris Cornell en font un chef-d’œuvre. Derrière, Quantum of Solace est un accident industriel (mais pas si horrible que sa réputation laisse le présager) parce que trop novateur dans le scénario (et pourtant si visionnaire), et Skyfall, bien qu’excellent, voit sa réputation surfaite et l’overdose est vite arrivée. D’autant que Double Zéro est complétement mangé à l’écran par son antagoniste charismatique.
Avec tous ces éléments, mon impatience autour de Spectre grandissait chaque jour, avec des bandes annonces très réussies, un Daniel Craig toujours aux commandes, un côté sombre toujours assumé et un retour aux sources dans le scénario, avec la récupération de l’organisation némésis des tous premiers Bond. Et surtout la présence du grand Christopher Waltz. Seules ombres au tableau, la présence de Léa Seydoux, qui montre à chaque film son non-jeu et contretemps perpétuel, et celle plus minime de la reconduction de Sam Mendes derrière la caméra : je ne suis pas un grand fan de sa façon de filmer (filtre trop sombre, toujours les mêmes plans dans les lieux fermés…), mais cela reste tout à faire personnel. Trêve de bavardage intempestif, consacrons-nous à ce nouveau Spectre.
Toujours meurtri par le décès de M (Judi Dench) dans Skyfall, James Bond reçoit une vidéo de celle-ci tournée avant sa mort. Elle lui commande de tuer un mystérieux italien. Bond monte donc une mission, à l’insu de son nouveau M, qui tourne au fiasco. Revenu à Londres, il est mis à pied et assigné à résidence. Il remonte malgré tout la piste d’une mystérieuse organisation avec l’aide d’une vieille connaissance. Pendant ce temps, le MI-5 et le MI-6 sont fusionnés par le gouvernement sur fond de coupure budgétaire. Dans cette lutte politique, M tente désespérément de maintenir en vie le programme Double Zéro face à la prise de pouvoir du nouveau chef des renseignements (Andrew Scott). Celui-ci croit en la modernité et en la surveillance globale et généralisée (en dépit des libertés fondamentales), et veut renvoyer les vieux espions au placard.
Avec ce double scénario, Spectre démarre fort et s’annonce pour le moins percutant à la vue des récents évènements ayant ébranlé le monde (ca ne vous dit rien le « en période de crise, les peuples acceptent de diminuer leurs libertés pour plus de sécurité » ?). Certains diront que le film britannique emboite le pas de Mission Impossible : Rogue Nation, sorti plus tôt cette année et ayant pour base la dissolution du service secret américain, mais en plus d’être mieux réalisé et plus inventif, le scénario emprunte surtout l’idée de Captain America : The Winter Soldier (quand on vous dit que le film est devenu une référence des films d’action/espionnage !). En cela, hormis la ressemblance frappante ente les logos du Spectre (magnifiquement intrégré comme dans l'affiche lors d'une scène de confrontation) et de l’HYDRA (c’est bon les pieuvres, mangez-en !), il reste que le chef des renseignements anglais a une vision très proche de la sécurité vue dans Captain America 2. De même, le choix de casting sur ce point est magnifique : Andrew Scott est surtout connu pour son rôle de Moriarty dans la série…britannique Sherlock, dans lequel il joue…un des plus grands terroristes modernes. Le voir jouer de l’autre côté du tableau rend quelque peu le discours plus frappant. Dans tous les cas, Spectre vise extrêmement juste dans sa portée contemporaine, et les bons points ne font que commencer.
D’ailleurs, ces bons points débutent avec le générique du film. Les génériques des films James Bond sont très réputés, au point où la production fait appel à un réalisateur dédié. Et pour le coup, Spectre ne faillit pas à sa réputation. Le choix tendancieux de Sam Smith n’est pas si catastrophique, mais sa chanson ne laissera pas de quelconque souvenir aux spectateurs. Par contre, la réalisation est plus que magnifique, puisqu’outre le côté métaphorique plus qu’agréable, le générique se permet de rappeler aux bons souvenirs du spectateur les éléments marquants de la quadrilogie Craigienne (Casino Royale-Quantum-Skyfall) et les personnages ayant fait battre la vie de ce cher Bond. Un début plutôt très poignant.
En dehors de ce choix anecdotique du chanteur du générique, les musiques parcourant le film sont magnifiques. Cela faisait quelques critiques où je ne penchais plus vraiment sur les bandes originales, à la vue de leur banalité de plus en plus criante. Reste qu’ici, il est nécessaire de souligner la très belle réussite de Thomas Newman .Outre la reprise du thème désormais classique de l’agent 007, les musiques collent parfaitement aux lieux visités par Bond, de Mexico au Maroc en passant par Rome, en ajoutant les particularités musicales de chaque culture (les percussions, les sitars…). Et l’idée des cors empruntés à Hans Zimmer lors des scènes d’explosion rend le film magistral. D’ailleurs, il faut ici pointer l’excellence des équipes techniques (de la musique aux effets spéciaux et techniques), on se sent littéralement soufflé par les explosions et impliqué dans les scènes d’action. Le point d’orgue (sans mauvais jeu de mots), reste la course-poursuite en voiture dans Rome, extrêmement poussive, et avec une musique dantesque avec ses chœurs quand les deux bolides passent devant les monuments. Malheureusement, Sam Mendes tombe dans ses travers en gâchant la scène en l’entrecoupant de vannes trop nombreuses.
Et cela sera la première grosse critique du film. Oui un James Bond se doit d’être drôle, c’est la marque de fabrique de la licence. Mais ce que Sam Mendes n’a visiblement pas compris, c’est l’essence de l’humour anglais, parfaitement maitrisée sous l’ère Connery-Moore et dans Casino Royale. L’humour anglais est fin, discret, parsemé de petites blagues qui passent généralement inaperçu et traverse même la structure du film. Là, en dehors de quelques blagues plutôt réussi (la Fiat 500 dans Rome, la boisson au bar de la clinique en deux étapes…), on se retrouve régulièrement avec des blagues lourdes et graveleuses, bien loin de l’esprit Bondien. A l’américaine quoi. La pire restera celle dans le train avec l’homme de main, un « M*rde » en slow motion, digne d’une comédie.
La seconde critique sur le film est sa trop grande rapidité sur la fin. Je ne m’étends volontairement pas sur le scénario, puisque le film est pour le moins riche en révélations, qui permettent une fois encore de faire le lien entre tous les films avec Craig (et en grand fan du Marvel Cinematic Universe, j’apprécie toujours autant ce genre de renvoi entre les films). Les débats politiques en Angleterre et aux sommets mondiaux sont très justes et passionnants, et l’enquête de Bond emmène le spectateur dans tous les coins du monde avec beaucoup de tensions et d’actions. La violence psychologique est très marquée sans en faire trop, et chaque personnage rencontré est charismatique. Une modernité qui est pour autant respectueuse de la licence, puisque la structure du film est très similaire à celles des débuts, vibrant hommage de Sam Mendes. Le fan que je suis a jubilé pendant tout le film.
Pour autant, à l’heure des révélations, certains y verront l’écroulement d’un château de cartes qui était jusqu’à lors empilé parfaitement. Je n’irais pas jusque-là, mais la fin n’est pas exempt de tout reproche. Outre les 10 dernières minutes qui laisseront un goût amer dans la bouche (non Mendes, on ne ruine pas toute la personnalité d’un personnage sur l’autel de la modernité !), je pense que tout le problème du dernier quart du film est sa trop grande rapidité. Complètement paradoxal alors que le réalisateur s’est efforcé de prendre tout le temps nécessaire pendant les trois premiers quarts. Une version longue sauvera sûrement la fin aux yeux des plus déçus. Plus personnellement, j’ai du mal à comprendre le déchainement médiatique sur cette fin. Alors oui, les dernières révélations sont extrêmement rapides, tout juste avons-nous droit à un petit bâclage des motivations du grand méchant, pourtant très juste émotionnellement. Quelques scènes supplémentaires n’auraient pas fait tâche. Maintenant, le film reste un hommage aux « vieux » James Bond, et les grands fans ne s’étonneront pas plus que cela de la tournure prise par les évènements !
Concernant les personnages, peu de choses seront à dire puisque tout le casting se met au diapason du grand Daniel Craig. Celui-ci commence à se faire vieux, et chacun pourra voir sa fatigue physique et psychologique de jouer ce grand rôle. Ce qui sert nécessairement à l’impact du scénario, mais aussi à sa profondeur psychologique déjà bien soumise à rude épreuve par la mort de Vesper dans Casino Royale. Il reste de même toujours aussi spectaculaire dans les scènes d’action, et toujours aussi non-dépendant des gadgets fournis par Q (Ben Wishaw).
En parlant de lui d’ailleurs, le jeune acteur prouve depuis Skyfall qu’il est bien celui qu’il fallait pour redonner vie à ce grand personnage. Ce petit côté britannique, naïf, facilement choqué, en apparence faible, qui rend ces réactions au comportement de Bond toujours plus drôle (cela passe aussi par cela, l’humour anglais !). Moneypenny est toujours très bien interprétée par Naomie Harris, qui réussit à moderniser le rôle dans tomber dans les extrêmes du cinéma aujourd’hui (à savoir la femme forte/fatale à tout prix). Ralph Fiennes (M) est toujours parfait dans son rôle d’animal politique, toujours prêt à défendre sa vision de la sécurité et des valeurs de la démocratie. Enfin, Christoph Waltz prouve encore qu'il est un des meilleurs acteurs de sa génération. Il ne met pas forcément beaucoup d’originalité dans son jeu par rapport à ses rôles dans Django Unchained et Inglorious Basterds, mais il est toujours aussi jouissif dans ses interprétations, donc on ne peut lui en tenir vigueur. Ce côté "impro dingue et totale pourtant complètement maitrisée" donne un caractère d'autant plus traumatisant et traumatisé à son personnage. Et qui aurait de la classe comme lui en jouant un méchant en chausson ? Enfin, Dave Bautista tient très bien son rôle d’homme de main, et même si on aimerait voir moins de ses violences hors-champs (on aimerait les voir quoi !), on a sûrement sous la main un méchant qui deviendra aussi célèbre que le Requin. Quand à Monica Bellucci, rien ne sert de s’y étendre, tant son apparition tiens du caméo. Pas de maladresse toutefois.
Et enfin, vous l’attendez tous ce moment. Je suis sûr que vous avez tous lu la critique jusqu’au bout pour me voir me déchainer contre Léa Seydoux, l’actrice pourrie gâtée incapable de transmettre des émotions et de jouer juste… Et bien… La boucherie n’aura finalement pas lieu. Oui oui, vous avez bien lu. Ca me déchire mon petit cœur de cinéphile mais je dois bien l’avouer, en triste constat : Léa Seydoux n’a pas été catastrophique dans son interprétation. J’ai cru voir ici et là un bashage médiatique en règle. On va dire que je n’aime pas hurler avec la meute. Mais force est de constater qu’elle tient plutôt bien son rang. Bon, on n’échappe pas à deux-trois répliques énoncées si à contretemps qu’on sort du film, mais pour le reste, je l’ai même trouvé juste. Son accent anglais est très convenable (coucou Jean Dujardin) et elle arrive à passer les émotions qui lui tombent dessus alors qu’elle n’a rien demandé. Ca n’empêchera pas le spectateur de jubiler quand elle prendra ce pain monumental de la part de Dave Bautista et de lui accorder tout le crédit quand elle énonce nonchalamment « Mais qu’est-ce que je fous ici ? ». Quelle clairvoyance ! Je n’ai pas vu le film en français, donc je me doute que c’est parce qu’elle a foiré totalement son propre doublage (coucou Marion Cotillard) qu'elle a déchainé les passions. Reste que le couple qu’elle forme avec Daniel Craig tient plutôt la route, mais malheureusement sans jamais atteindre une complicité marquante.
Nous avons donc à faire à un James Bond très jubilatoire, et qui risque de plaire à tous les grands fans de James Bond. Sans atteindre les hauteurs (c’est les montagnes monténégrines ça !) de Casino Royale, Sam Mendes remonte la pente après un Skyfall déjà très bon mais un peu surévalué. Il faiblit dans sa gestion de l’humour, du temps et du montage, rendant la fin quelque peu abrupte et bâclée. Si vous attendez un James Bond modernisé voire complétement novateur à la Skyfall, vous serez probablement déçu. De façon très personnelle, j’ai pris mon pied pendant tout le film hormis cinq minutes finales très amères. Skyfall se tournait vers l’avenir, SPECTRE se tourne vers le passé récent (scénaristiquement) et plus lointain (dans la construction de l’intrigue) de Bond, avec un fond de triste constat du présent réel. Un traitement du monde post-11 septembre très juste mais faisant froid dans le dos. Quelque chose me dit que l’on ne verra pas de prochain James Bond de sitôt.