Monstre intraterrestre
Le principal intérêt de 10 Cloverfield Lane réside évidemment dans cette perspective d’extrapolation de l’univers du film d’origine de Matt Rieves, ayant connu son petit succès en 2008,...
le 17 mars 2016
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Sans aucun doute le film que personne n’avait vu venir, et ce malgré son calibre (une production J.J. Abrams) ! Et pour cause, le film s’est fait dans le secret le plus total, au point de faire parler de lui via sa promotion seulement deux mois (à peine) avant sa sortie. Comme ce fut le cas pour Cloverfield de Matt Reeves, allant même jusqu’à jouer avec ce dernier en prenant carrément cet intitulé dans son propre nom. Titillant ainsi le spectateur au possible, qui pour le coup ne sait pas à quoi s’attendre : un préquel ? Une suite ? Un reboot ? Autant casser le suspense d’entrée de jeu : 10 Cloverfield Lane n’est rien de tout cela au point d’en décevoir certains à ce niveau-là. Mais alors, de quoi s’agit-il ? Tout bonnement d’un bon petit film de science-fiction. Une excellente surprise qui rappelle que le bon Hollywood, celui des années 80-90 qui produisait des projets à moindre coût pour un résultat prometteur, réside encore parmi cette débauche de nanars à gros budget si fréquents de nos jours.
Si l’on devait trouver un équivalent à 10 Cloverfield Lane, cela serait sans nul doute The Mist de Frank Darabont, étant donné que la structure scénaristique est quasiment la même sur le fond et la forme. Alors qu’on suivait quelques survivants cloîtrés dans une supérette entourée par une mystérieuse brume abritant des monstres sanguinaires, ici, il est question d’un trio enfermé dans un bunker antinucléaire les protégeant d’un terrible virus ayant éradiqué toute vie terrestre. Ainsi, pendant la bonne partie du visionnage, on reste cloisonné avec nos héros, ne nous intéressant pas spécialement à ce qui se passe à l’extérieur étant donné que le véritable danger réside entre ces murs. La tension, la folie et la paranoïa pouvant transformer un être humain en un monstre des plus cruels. Tel est donc le pitch de base de 10 Cloverfield Lane, qui s’annonce donc comme un huis clos assez étouffant et tendu au possible.
Le tout aurait très bien pu se montrer ennuyeux, rébarbatif. Surtout que sur le papier, il n’est question que de trois protagonistes devant vivre entre eux malgré le semblant d’apocalypse se déroulant à l’extérieur. Trois personnages se remettant plus en question qu’ils ne cherchent de réponses à ce qui se passe dehors, vivant comme des colocataires. Pas de quoi susciter l’intérêt ! Et pourtant, 10 Cloverfield Lane étonne par son habileté, aussi bien au niveau de son scénario que de sa mise en scène. Si pour le premier cas rien ne se révèle être original, l’ensemble parvient à remplir son cahier des charges haut la main. En nous dressant le portrait de personnages torturés et donc diablement humains auxquels on s’attache facilement. En jouant à fond la carte de la paranoïa pour nous faire « participer » à l’intrigue (est-ce vraiment un virus qui s’est répandu dehors ? Un monstre plutôt ? S’est-il vraiment passé quelque chose ?) et rendre le rôle d’Howard Stambler inquiétant. Ainsi, en plus d’une heure et demie, bien qu’enfermés dans un seul et unique décor, nous nous étonnons à suivre une aventure qui sait être intrigante voire même palpitante. Le tout emballé avec savoir-faire !
Et pour cause, la mise en scène du réalisateur Dan Trachtenberg (dont c’est le premier long-métrage), bien qu’impersonnelle et peu novatrice, parvient à rendre toute cette tension palpable. Cela, il y parvient en filmant ses acteurs au plus près afin de renforcer ce sentiment de claustrophobie qui peut rapidement nous habiter. Nous mettant pour le coup mal à l’aise avec le danger omniprésent (Howard, ce qui se passe à l’extérieur du bunker…). Un effet qui se retrouve très vite mis en valeur par la bande son du long-métrage. Une véritable réussite technique, qui met de côté toute envolée musicale (nous n’avons droit qu’aux chansons du juke box de nos héros) pour préférer les bruitages en tout genre (courants d’air, bruits sourds à l’extérieur du bunker… le silence, même !), ce qui renforce encore plus cette fameuse tension régnant en maître dans 10 Cloverfield Lane. Et tout cela pour seulement 15 millions de dollars, s’il vous plaît !
Le casting, lui aussi, est aux petits oignons ! Un trio vraiment intéressant, composé entre autres par un étonnant John Gallagher Jr. méconnu en France (il a plutôt joué dans des séries télévisées) qui arrive à attirer notre attention par son jeu toute en sobriété et fort sympathique. Par la délicieuse et trop rare Mary Elizabeth Winstead, qui illumine chaque plan du film (la caméra est constamment braquée sur elle) par son talent à jouer cette femme à la fois vulnérable et forte, paralysée par la situation mais pleine de ressources. Et enfin par un John Goodman magistral. Comme à son habitude, me diriez-vous ! Il est vrai que le comédien n’a plus rien à prouver, ayant enchaîné les rôles avec toujours autant de prestance. Mais ici, il parvient à livrer une toute nouvelle facette de son savoir-faire en se montrant terrifiant comme jamais. Il livre en la personne d’Howard un personnage pouvant éclater à tout moment et qui peut véritablement angoisser car étant imprévisible. Impressionnant, tout simplement !
Il est dommage que tout cet excellent travail se vautre dans sa toute dernière partie (soit son dernier quart d’heure), quand l’héroïne parvient à s’échapper du bunker et à découvrir enfin ce qui se passe dans le monde (qui, bien entendu, ne sera pas dévoilé ici). Alors qu’on prenait notre pied dans ce huis clos poignant, on se retrouve face à un dénouement tiré par les cheveux, pour ne pas dire grotesque. Alors oui, ce dernier permet de mettre fin au développement moral du personnage de Michelle et d’offrir quelques effets spéciaux de bonne facture (surtout avec ce budget !). Mais on plonge d’un coup dans du pop corn movie grossier, avec ses séquences emplies de numériques, de bruitages à gogo et d’une caméra un peu trop hystérique pour y voir quoi que ce soit de l’action. Un virement à 180° qui gâche tout, donnant l’impression de ne pas assister au même long-métrage et dont on aurait très bien pu s’en passer.
Malgré cela, 10 Cloverfield Lane reste la bonne surprise de 2016. Un petit blockbuster aux airs de film indépendant qui parvient à nous offrir autre chose que du vide et du divertissement bas de gamme. Avec un réalisateur prometteur, d’excellents comédiens, un scénario malin et une bonne équipe, les productions hollywoodiennes peuvent encore nous donner de petites surprises de cet acabit. Cela fait un bien fou et donne de l’espoir pour la suite du projet, à savoir une sorte de Quatrième Dimension cinématographique centrée sur cet étrange intitulé qu’est Cloverfield. Bien sûr, rien n’est encore officiel ! Mais il y a de quoi engendrer de petites intrigues qui sauront attiser notre curiosité et notre intérêt.
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Créée
le 30 juin 2016
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