Après Hunger et Shame, deux œuvres particulièrement remarquées, le réalisateur britannique Steve McQueen s'intéresse à un livre autobiographique plus ou moins méconnu mais qui a bouleversé des milliers de lecteurs de par le monde : "Douze ans d'esclavage" de Solomon Northup. Ce récit réel raconte comme son nom l'indique les douze ans de captivité d'un homme noir libre qui, après s'être fait duper et enlever par deux soi-disant gentlemen, se retrouve esclave, passant de propriétaire en propriétaire. Une nouvelle vie de calvaire pour cet homme marié, père de deux enfants, talentueux et alors plein de vie...
S'en suit une série d'humiliations, de coups, d'insultes, de dur labeur pour Solomon (Chiwetel Ejiofor, le rôle de sa vie), lui qui était un brillant charpentier et un fin violoniste. Une existence dépassant l'entendement et une sorte de renaissance dans la peau d'un esclave, situation qu'il pensait avoir définitivement oubliée. Passant de mains en mains, vendu comme une vulgaire chose sans valeur, Solomon va voir la cruauté des hommes et leur absence de morale, de limites, d'humanité.
Car même si certains maîtres s'avèrent plus humains que d'autres, le considérant parfois avec gentillesse et honnêteté, ils n'en demeurent pas moins des esclavagistes, certes distingués, mais tout de même des esclavagistes comme ce cher Monsieur Ford (Benedict Cumberbatch, omniprésent et de plus en plus talentueux) et a contrario du terrible Edwin Epps (Michael Fassender, tout simplement impressionnant). Ce protagoniste dégueulasse qui prêche sa bonne parole et abuse de ses esclaves au nom de Dieu est probablement l'un des personnages les plus écœurants vus au cinéma, un connard de première aussi détestable qu'attachant, Fassbender livrant une prestation des plus remarquables et des plus inoubliables.
D'autres protagonistes compléteront les rencontres terribles que fera Solomon au cours de ses douze horribles années, tous parfaitement interprétés par des acteurs de talent (Paul Dano, Paul Giamatti, Garret Dillahunt). La mise en scène élégante de McQueen, la photographie éblouissante de Sean Bobbitt et la musique bouleversante du toujours aussi inspiré Hans Zimmer nous transportent dans ce qui demeure le plus beau film sur l'esclavage, présenté comme jamais on ne l'avait vu auparavant. Pas un chef-d'œuvre (presque) mais une fantastique épopée humaine.