2h pour 12 ans : Faites le compte , on y gagne.
Le nom de Steve McQueen m'évoque comme tout le monde la légende de l'acteur disparu mais aussi (et surtout) une de mes baffes dvd ludique de l'année dernière.
"Hunger", son premier film était puissant et laissait présager la carrière d'un grand réalisateur en devenir.
Je n'ai encore pas vu "Shame" mais avec "12 Years a slave", il s'attaque à un sujet déjà bien traité par le cinéma américain et dans des formes bien différentes.
Il est d'ailleurs assez inutile de le mettre en rapport avec "Django", tant les 2 films n'ont rien à voir l'un avec l'autre.
L'approche de Steve McQueen est plus classique même si elle repose sur une base assez unique : celle du destin d'un homme noir libre qui vit avec sa famille et qui est enlevé et envoyé dans les états du Sud pour y être traité comme esclave.
Par ce biais, Steve McQueen se donne les moyens d'une analyse plus subtile et assez réaliste de son sujet (la notion de liberté, le rapport de dominant/ dominé, la survie ...)
D'ailleurs, (à part une scène à la fin), il n'essaiera pas de choquer en appuyant là où ça fait mal. Les fouets sifflent mais on ne voit que très rarement les effusions de sang . La violence , on l'a ressent plus qu'on ne la visualise et si on doit être choqué par quelque chose, ça sera par la nature de humaine elle-même (ses actions ne sont que les effets de cette nature)
J'ai lu, ici ou là, que le film de Steve McQueen était manichéen. Dire ça, c'est passer complètement à côté du propos du film.
Au contraire, il offre une vrai galerie de personnages avec leurs faiblesses, leurs bontés, leurs haines, leurs peurs et surtout leurs ambiguïtés.
C'est sans doute le moment de féliciter la plupart des acteurs , tous assez excellent et surtout qui ne tombent pas dans la caricature du "trop d'émotion". Ils servent le film et non leur carrière ou un futur oscar honorifique.
Homme blanc ou homme noir chacun est construit de façon plus complexe qu'il y paraît aux premiers abords.
Le personnage le plus intéressant est sans doute celui de Fassbender. Négrier violent et tyrannique, il s'avère très vite être un lâche, incapable de résister aux attaques incessantes de sa femme ( qui est la vrai tyran de la ferme ) et tombant parfois dans le ridicule ( comme cette scène où il court après Salomon et se vautre par terre à plusieurs reprises )
Son rapport avec Patsey est d'ailleurs très intéressant et explique en partie le fonctionnement du trio.
L’ambivalence de la nature humaine donne un sens à la complexité de la résignation de Salomon, ancien homme libre qui doit cacher ses acquis pour survivre. Ne surtout pas montrer son intelligence à son "maître"
Plusieurs scènes sont marquantes et explorent ce propos comme celle où Salomon est pendu et que les autres esclaves continuent leurs petit train train sans s'occuper de lui ou chercher à l'aider - au risque de mettre eux même leurs vies en danger.
D'ailleurs, les esclaves eux aussi ont leurs petites "lâchetés" et ne sont pas exempt de faiblesses. Dans ces conditions, tu ne peux penser qu'à toi, devenir individualiste car tu sais que si tu réussis à t'en sortir , tu t'en sortiras seul.
Alors qu'Hunger était un film de résistant, un résistance jusqu'au boutisme, celle de Salomon est plus résignée.
A aucun moment , il abandonne l'espoir de revenir chez lui, de retrouver sa famille et ses enfants mais son instinct de survie prend toujours le dessus.
C'est une résistance par la survie et non pas par la mort comme dans "Hunger"
Les 12 années s'écoulent en 2 heures et à aucun moment, on a notion du temps qui passent (comme pour les esclaves) et le poids de celui-ci devient frappant quand , une fois libère, McQueen fait un plan sur la chevelure blanchâtre de l'ancien esclave.
12 ans , c'est long et c'est aussi pour ça que le premier mot qu'il sort à sa famille en la revoyant , c'est "pardon". Pardon d'avoir mis autant de temps à fuir, pardon d'avoir loupé 12 ans de votre vie.
L'Homme, résistant qu'aime tant le réalisateur, il apparaîtra par la suite , dans ses actions contre les lois ségrégationnistes.
Au final, le film explore le parcours d'un résistant en devenir et tout ce qui va conditionner cette nouvelle vie.
12 years a slave n'est pas exempt de défaut. Peut être un peu long, une fin un peu facile ( le personnage de Brad Pitt n'est pas vraiment réussi ) et pas aussi émouvant que prévu (j'ai pris plus de plaisir à l'analyser avec un pote et je n'ai pas ressentis de gros spleen d'émotion comme je me l'attendais - c'est aussi pour ça que je ne le trouve pas si "tire larme" que ça).
Mais dans l'ensemble , le film tape dans le mille et me paraît assez nécessaire autant dans sa forme que sur le fond.