Solomon est un jeune charpentier et brillant violoniste afro-américain qui vit à New-York en homme libre avec sa femme et ses enfants. Séduit par deux prétendus artistes, en fait deux négriers camouflés, et au détour d'une beuverie dans un restaurant de la récente capitale fédérale, il est fait prisonnier dans une des nombreuses négreries que comptaient les États Yankees à cette époque. Ces dernières avaient pour but de fournir aux terribles plantations sudistes la main d’œuvre que le commerce triangulaire, interdit alors, n'importait plus d'Afrique. Avant puis pendant son transfert en Louisiane par le fleuve Missouri à bord d'un bateau à roues à aubes, il apprend tant de la part de ses geôliers que de ses compagnons d'infortune qu'un nègre alphabète, instruit et, pire, violoniste, est un mauvais nègre, un nègre mort et que le seul moyen de survivre à ce cauchemar est de faire le dos rond et de raser les murs. C'est qu'il s'agit de respecter la hiérarchie des races. Mais pour lui cela revient à capituler et jamais il n'abdiquera, conservant son esprit et sa dignité, bien décidé à survivre à cette injustice. Baladé sous le nom de Platt de plantations en plantations au gré des arrangements des uns et des autres, il passe successivement sous le joug de deux esclavagistes, un plus bienveillant que l'autre, et les mains de plusieurs contremaîtres, dont un taré et un humaniste, avant de recouvrer après 12 ans d'esclavage sa liberté originelle.

Solomon Northup a vraiment existé et le film est l'adaptation de son autobiographie. Il s'agit donc d'une histoire vraie. Mais pour une fois derrière ces simagrées éculées se cache une histoire édifiante. Celle d'un homme libre le lundi et esclave le mardi (rendez vous compte). Chiwetel Ejiofor prête ses traits au héros et livre une interprétation de très très haut vol largement oscarisable. Le film l'est d'ailleurs dans son ensemble, mais pour une fois (là encore), dans le bon sens du terme. Parce que si le sujet se prête évidemment aux standards de la cérémonie, pas de larmoiements ni de jérémiades et une qualité et un lyrisme indéniables. Comme l'est la puissance de la mise en scène de McQueen qui montre à qui en doutait encore sa supériorité sur bon nombre de ses confrères. L'interminable scène de pendaison qui se déroule devant l'indifférence manifeste des autres esclaves et au cours de laquelle Solomon tente tant bien que mal de détendre la corde qui l'étouffe et le spectacle de la chair en lambeau matraquée à coups de fouet et du sang qu'il fait jaillir et s'évaporer dans l'air brûlant sont des moments de cinéma exceptionnels qu'on ne retrouve que dans le sien. La sensation aussi que se forme avec ce troisième film une filmographie cohérente qui mêle des thèmes comme la violence physique et mentale (ses trois films), la résistance (Fassbender à la faim dans Hunger, Ejiofor à l'esclavage dans celui-ci) et la frustration (Fassbender dans Shame qui n'a plus aucun plaisir à jouir, et dans celui-ci d'aimer une négresse et de mépriser sa propre femme). Le travail sur la lumière, aveuglante et accablante, la sonorité, le chant berçant et monotone des cigales, le cadre et la musique est formidable. Le casting n'est pas en reste, à condition d'oublier saint-sauveur-Brad-le-producteur : Cumberbatch en esclavagiste humain, Dano en(core) dégénéré et surtout Fassbender, qui se voit offrir le meilleur rôle du film, sont tous excellents.
Twelve years a slave c'est l'histoire d'un homme que l'intelligence et la colère a maintenu digne et en vie pendant douze années d'esclavage. Celle qui dit que l'éducation est la meilleure des préventions contre le chaos.
blig
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le 24 janv. 2014

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blig

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