Fort du succès de son court métrage 15 en 2002, Royston Tan décide de le prolonger en une version longue en 2003. Ce prolongement ne se fera pas dans la continuité totale puisque Royston Tan divise son film en deux parties (la première étant le court métrage original) dont le seul lien est un personnage, Shaun. Cette division, et donc le laps de temps passé entre la réalisation de chaque partie, se ressent sur le point formel.
Formé à l’école du clip, Royston Tan en porte encore beaucoup de stigmates lorsqu’il filme la première partie, qui en devient totalement épileptique et coupée au couteau tant visuellement qu'auditivement avec les ruptures nettes au niveau de la bande son bien hype. Pourtant pleine de bonnes idées de mise en scène et de réalisations (l’entraînement au karaoké par exemple), cette première partie est malheureusement assez indigeste, et ne permet pas de suivre ou de s’attacher aux deux jeunes anti-héros. Car plus qu’un essai visuel, 15 se veut un cri de malaise, le cri de la jeunesse déboussolée de Singapour, cette jeunesse abandonnée sans repères familiaux, scolaires, sociaux qui ne vivent qu’en s’autodétruisant avec leur bande, qu’ils appellent "Frères".
C’est heureusement la longue seconde partie qui parvient à faire passer ce message, qui n’est en aucun cas moralisateur. En suivant les traces de deux amis et d’un troisième qui ne pense qu’à ce suicider dans un lieu où sa mort se verra obligatoirement commentée, on rentre de plein pied dans un réalisme étouffant. La réalisation de Royston Tan se veut alors plus calme, moins décousue, (bien que le coté clipesque soit toujours présent de façon marquée) mais il arrive à poser une ambiance nihiliste, malsaine, complètement en phase avec la fond du film.
Il est presque impossible de sourire à la vue de cette seconde partie, tant le malaise se fait ressentir, et tant on est presque obligé de tourner son regard lors des scènes d’auto mutilation au cutter ou absorption de préservatifs bourrés de cachets de drogue. Pourtant malgré ce réalisme forcené (les acteurs étant tous des amateurs jouant leur propre rôle, et les scènes chocs ne bénéficiant d’aucun trucage), on reste subjugué par l’amitié que se portent les deux personnages principaux, une amitié proche de l’amour.
Ultra réaliste, bien que trop fortement clipesque, 15 est un film coup de poing à la face de Singapour, qui montre une face complètement inconnue du pays. Âmes sensibles s’abstenir.