Sam Mendes, je le déteste depuis toujours, c'est bien connu, aussi les lecteurs rejetteront unanimement ma critique sur la seule base qu'elle est forcément biaisée et partisane. Mais encore une fois mon rejet s'opère sur des éléments qu'il y a dans le film, pas sur ce que je voulais ou non y trouver. Alors taisez-vous et écoutez.
1 / Les Prémisses
Je ne crois pas DU TOUT au moteur de l'intrigue. Je veux bien admettre qu'on envoie une poignée de pèquenauds livrer un message de la plus haute importance, c'est même un segment crucial du film Gallipoli de Peter Weir, mais avec tous les moyens à disposition ( support aérien, fusées de détresse, etc... ) je refuse de croire que le premier plan de l'état major c'est cette mesure désespérée. On est dans la Première Guerre Mondiale, pas dans Le Seigneur des Anneaux !
Pour que ça marche il aurait fallu que le spectateur soit témoin d'une tentative qui échoue spectaculairement dans l'acte 1 pour justifier qu'on soit obligé d'envoyer des hommes livrer le message...
Là on est dès le départ dans l'arbitraire le plus total, difficile de souscrire à ce qui va suivre...
2 / La Dramaturgie
1917 ne m'a pas surpris. Sur deux heures de projection c’est long d’avoir autant d’avance sur le « récit ».
Dès le départ des deux gaillards, j'ai su que Blake allait clamser que que Schofield allait devoir remplir cette mission à laquelle il ne croyait pas. Du coup le seul moment un peu surprenant c'est le coup du rat qui déclenche le fil d'une bombe dans l'abris de tranchées, ce qui aurait du pulvériser Schofield, ou au moins lui briser tous les os et le rendre sourd à vie. Mais non, ça va, un peu d'flotte dans les yeux et c'est reparti !
Ce genre de sinistre blague va se répéter tout le film, d'évasion miraculeuse en coïncidence hallucinante... On sent le doigt du dieu-scénariste à chaque instant, me privant de toute immersion.
3 / Le Factice
Et on en arrive au point le plus litigieux : non content de ne pas être intelligemment écrit, 1917 est filmé à l'esbroufe, voulant se la péter au dessus de tout effort de maintenir le spectateur au niveau des héros.
En effet, si une caméra peut se faufiler sans difficulté à travers des barbelés, des gravats, au fil de l’eau, évitant sans trembler les balles et les obus, c’est que tout est FABRIQUÉ pour qu’elle puisse le faire. Le fait que le film pue le fake et le m’as-tu-vu m’a ôté définitivement toute possibilité de vibrer.
Je suis prêt à louer la mise-en-œuvre impressionnante de Roger Deakins, mais elle se fait au détriment de la proximité avec les personnages. Il aurait fallu une approche plus rugueuse, à la Samuel Fuller, pour qu'on commence à croire à la véracité de cette guerre. Mais là non, tout est posé, léché, millimétré. Je ne pouvais y croire...
J’ai donc attendu patiemment que Benedict veuille bien lire la lettre et rappeler ses hommes...
4 / Le Mythe du Bon Soldat
Ce qui parachève de faire de 1917 un film épouvantable, c'est cette notion surannée que les Anglais sont les gentils, qu'ils essayent de pas trop tuer d'Allemands, ou alors c'est pas leur faute, ou ils l'avaient bien cherché. Ils ont un sourire Colgate et sont rasés de près... L'année dernière on a pu voir dans l'impressionnant documentaire de Peter Jackson They Shall not Grow Old des soldats dépenaillés, aux chicots dégueulasses et qui n'avaient pas forcément accès à un rasoir. Elle était comme ça la Grande Guerre, elle était pas prévue pour le confort du spectateur.
Faire 1917 en 2020 relève au mieux de l'approximation infantile, au pire de la plus grande des irresponsabilités. Mais s'il y a une évidence, c'est que Sam Mendes n'en à rien à carrer. Il a juste utilisé deux-trois histoires de son grand-père pour justifier sa grosse branlette !
Une preuve de plus s'il en fallait : à un moment on entend la cloche d'une église sonner six heures... Voulez-vous me dire quel bedeau fou s'amuse à sonner les laudes dans un village à moitié détruit et tenu par des méchants Allemands ivres morts ?!
Conclusion
Bon cette fois, c'est bon, j'ai le droit d'arrêter Sam Mendes à tout jamais.