On pouvait craindre que le choix du film-séquence ne soit qu’une lubie de son réalisateur, un défi technique qui concentrerait toute l’attention en laissant de côté son histoire. Il y a eu des précédents pompeux et tape-à-l’oeil (Birdman), d’autres formidables réussites (L’Arche russe), et certaines particulièrement spectaculaires (l’ouverture de Spectre, précédent film de Mendes). En faisant de son récit un contre-la-montre, Sam Mendes sauve le choix du seul plan-séquence en abandonnant volontairement toute ellipse afin que le spectateur ne relâche jamais son souffle.
Une fois tributaire de son plan-séquence, le réalisateur déroule son film comme il le peut, s'efforçant de nous surprendre le plus possible, multipliant les scènes spectaculaires, parfois très réussies. Cependant, même si on ne boude pas son plaisir face à toutes ces péripéties, on ne peut que remarquer la gigantesque composition à laquelle est réduite le film.
Parce que son choix de mise en scène l’empêche de faire des plans fixes, Mendes va éparpiller dans son film un ensemble d’éléments pour donner du corps à son champ de bataille : il va placer un cadavre en morceaux ici, un corps de chien sans vie là. Les personnages passent devant deux énormes carcasses de chevaux en décomposition sans même se boucher le nez. Parce qu’il refuse le plan fixe et le montage, *1917* se prive du regard de ses personnages et nous fait jamais ressentir les affres de la guerre. D’un côté nous n’avions jamais vu de visages aussi jeunes sur un film de bataille, de l’autre nous n’avions jamais ressenti aussi peu de peur dans les yeux d’un soldat. La reconstitution aussi millimétrée et chorégraphiée soit-elle en oublie le réalisme cru de son décor.
Alors 1917 est assurément un grand film spectaculaire, mais un si petit film de guerre...