1:54 décrit la descente en enfer d’un ado homosexuel confronté à l’homophobie et au harcèlement. Ce premier film de Yan England est filmé comme une course folle contre le temps, contre ces deux secondes qui peuvent changer toute une vie.
Il y a une erreur à ne pas commettre en visionnant 1:54, ce n’est pas un film sur la course, ni spécifiquement un film sur le harcèlement. 1:54 relève plutôt de l’emballement, de ces deux secondes les plus dures de sa vie, celles qu’il faut aller chercher à n’importe quel prix. La question n’est pas seulement sportive, elle est viscérale. Tim court après le temps, après le désir de parvenir à prendre sa vie en main. Il ne s’agit pas pour lui d’échapper à ses bourreaux, mais de les massacrer en quelque sorte sur leur propre terrain. On voit donc la peur autant que la détermination dans les yeux d’Antoine Olivier Pilon qui après Mommy se révèle de nouveau très habile à interpréter un jeune homme en souffrance. Tout commence par de petites brimades, tout s’emballe très vite aussi. La chronique de Yan England est souvent d’une grande justesse, il ose frontalement nous montrer les conséquences des actes de ceux qui ne les mesurent pas. Il montre donc un quotidien banalisé où la souffrance est rentrée dans les habitudes. Les corps chutent, mais personne ne semble s’en émouvoir. Quand il filme les scènes d’athlétisme, England est volontiers aérien, mais plus terre-à-terre quand il colle aux baskets de Tim dans son quotidien ravagé et ravageur. La figure du professeur gourou et du père désorienté viennent représenter les adultes de cette histoire, bien à côté de la plaque. La loi du silence balancée à la figure du professeur de sciences-coach lui revient comme un boomerang alors qu’il tente de tendre la main. C’est que face à la détresse d’un de ses camarades, la philosophie de Tim est simple « soit on se tait, on ne dit rien, on fait rien, soit on dit rien et on règle ses problèmes soi-même. Je suis plutôt de la 2e catégorie ».
La mort leur va si bien
L’emploi de la musique, en surabondance, sur-dramatise le propos déjà très lourd. Mais le regard sur l’école est ici désabusé, l’engrenage très bien mené, avec une grande justesse du discours sur l’utilisation des réseaux sociaux. On déplorera simplement quelques ralentis un peu trop présents. Le sport devient un duel, un désir d’aller de l’avant. Quand vient le temps des larmes, on comprend un peu trop vite les échecs de relations restées trop superficielles. Et nous restent en mémoire les derniers mots du bourreau « c’était juste une blague ». La perversité mise là-dedans choque, le film est un coup de poing. Certainement fallait-il cela pour redonner de la voix à ceux qui n’osent pas parler, qui restent terrés et qui tentent seulement de prendre leur vie en main, seuls, d’aller à la recherche de ces deux secondes qui peuvent tout changer dans une vie… jusqu’à la mort elle-même.