1968... 1968, soit un an avant que l'homme ne mette un pied sur la lune... 1968, alors qu'HP lance sa première calculatrice programmable (tout est relatif), Stanley Kubrick nous balance un ovni... 1968, première démonstration d'une souris dans un environnement graphique et 2001 : l'Odyssée de l'espace arrive sur les écrans. Le film reçut un accueil mitigé, nominé pour 4 oscars, il ne gagnera finalement que celui des meilleurs effets spéciaux. Et quels effets spéciaux!



L'esthétique



Sorti 9 ans avant le premier Star Wars (4ème épisode dans la narration ndlr), Kubrick nous met une claque en terme d'effets spéciaux. Le film bénéficiant d'un budget énorme pour l'époque, toutes les exigences du réalisateur lui sont accordées. C'est ainsi que nous avons des images incroyables de vaisseaux spatiaux qui à l'heure actuelle restent encore magnifiques (!) quasi 50 ans après... Alors bien entendu, certains effets sont à l'heure actuelle dégueulasses notamment dans le 4ème acte où pour symboliser une planète extra-terrestre, le Grand Canyon a été filmé en négatif et colorisé ensuite. Il est également marrant de voir des comètes et des trous noirs conçus à coup d'éclats de peinture ou de mercure liquide (une vision que les plus jeunes ne comprendront déjà plus, d'ailleurs). Mais dans l'absolu, imaginer les maquettes des vaisseaux et des décors montés à cette époque, c'est juste incroyable. Alors oui, en comparaison des standards actuels, cela parait trop propre et les fonds paraissent beaucoup trop statiques par rapport à ce qui se fait de nos jours pour donner vie à un décor mais merdeuuuuuh... 1968, les petits gars!!!


La direction artistique est juste canonissime dans l'intégralité du film. Les angles, les plans, les rotations effectuées par la caméra, les choix de couleurs, le raffinement apporté à l'emplacement des choses, ... On est proche d'une certainement perfection tant minimaliste dans certains plans qu'à l'opposée dans d'autres soulignant le paradoxe humain (sur lequel le film nous apporte beaucoup de questionnements) à son paroxysme.


Beaucoup de technologie actuelle semblent tout droit être inspirées du film que ce soit de l'esthétique intérieures et extérieures des navettes américaines (challenger en tête) aux caméras infra-rouges grand angle en passant par Skype, Apple et consorts. Bref l'esthétique est toujours léchée ce qui joue grandement dans le fait que visuellement le film vieillit très bien...



Le rythme



2001 : l'Odyssée de l'espace est un film lent, très lent, voir même chiant pour un grand nombre je pense... C'est l'élément clef qui fera que les gens accrochent encore plus au film ou décrochent complètement du chef d'œuvre. La lenteur de la narration peut se résumer par l'introduction du film, plus de deux minutes sur un écran noir accompagné d'une musique avant de voir apparaitre le logo MGM... Ok! Mais la plupart du temps, les lenteurs sont justifiées. Elles accompagnent un effet de transition que ce soit temporelle, de distance ou modifiant soit le ton du récit, soit la forme même des choses. Ce qui les rend pertinentes.


Bien que la scène des primates où le singe mis en contact avec le monolithe découvre l'utilisation de l'outil est un peu longue à mon goût par rapport à ce qui nous est proposé visuellement (mais elle accouchera de la plus belle ellipse temporelle mise en scène par le cinéma où 4 millions d'années se matérialiseront d'un objet à un autre en trois secondes, du pur génie!), cette lenteur excessive ne me dérange réellement qu'une fois dans le film. Il s'agit de la scène où suite au diagnostique d'HAL, une intervention est effectuée par un cosmonaute afin de changer la pièce AE35 (si je ne m'abuse). Cette scène est d'une lenteur énervante alors qu'elle n'apporte absolument rien à la narration. Mais le plus énervant est que la scène qui suit pour remettre la pièce à sa place est courte, trop courte, beaucoup trop courte alors que c'est la scène maitresse de l'action du film. La scène où HAL prend les choses en "mains" pour se débarrasser de la composante humaine de sa mission... Dommage, car c'est le gros point noir du film à mon sens. HAL-9000 aurait pu être le méchant le plus effrayant de l'univers cinématographique s'il avait été monté plus intelligemment. Il aurait suffit de voir son œil infrarouge briller légèrement plus intensément avant de passer à l'action ou que sa teinte se fonce légèrement et le monde entier aurait scruté avec un air d'appréhension toutes les lumières de ses dispositifs électroniques avec angoisse...


Le rythme est aussi dicté par la musique essentiellement. À l'inverse des films où la musique est montée et fondu selon les plans, leur durée et la séquence; ici, c'est la musique qui dicte la durée et le rythme des séquences. Alors si l'on peut comprendre le choix de la musique classique pour rythmer la danse des vaisseaux, on peut regretter les choix de ces dernières. Si l'ouverture par Richard Strauss que l'on va retrouver plusieurs fois est simplement en parfaite adéquation avec le film, je trouve le choix des ballets un peu ennuyeux. Et cette musique pas très variée peut contribuer au rythme lents et à une impression redondante au fil des 4 parties qui composent le long métrage...



La narration



Le film est donc constitué de 4 actes



  • L'aube de l'humanité : l'homme n'en est encore qu'à son étape primitive et trouve sa place entre prédateurs et clans rivaux jusqu'à l'apparition d'un monolithe noir dont l'origine n'est pas expliquée...


  • Des vaisseaux dans l'espace : un nouveau monolithe a été découvert sous le sol lunaire et le docteur Heywood Fyold part en mission secrète pour investiguer cela...


  • La mission Jupiter : embarqué pour une mission secrète vers Jupiter, 5 membres d'équipages voient leur vie à bord rythmé par le 6ème membre : HAL-9000. Un ordinateur infaillible à la pointe de ce qui se fait en intelligence artificielle....


  • Jupiter, et au-delà de l'infini : arrivé aux portes de Jupiter, le dernier astronaute présent va se retrouver face à un monolithe et être emporté dans une 4ème dimension...



Ces 4 parties distinctes du film abordent bien des thèmes et posent bien des questions.


L'évolution de l'homme
Le monolithe, objet construisant le fil rouge de l'histoire, en est le premier. S'agit-il d'une intervention divine? Ou extra-terreste? Une intervention est-elle à l'origine de l'évolution de l'homme? La violence était-elle la première instrumentalisation de l'homme?


L'homme face à sa technologie
La technologie constitue-t-elle une évolution? Plus on maitrise sa technologie, plus on en perd le contrôle/l'instrumentalisation? L'intelligence artificelle : danger ou ami? L'humaine n'est-il pas l'élément faible de la technologie?


La condition de l'humain
Qu'entendons-nous par perfection? Qu'est-ce qu'une évolution? L'éternité est-elle atteignable? Physiquement ou par la connaissance?



En conclusion



Malgré le fait que 2001 soit dépassé de loin dans le calendrier, ce film reste complètement d'actualité. Une œuvre puissante qui décrit un futur de manière toujours très vraisemblable 50 ans plus tard tout en apportant une tonne d'innovation au cinéma moderne. Une œuvre également mystérieuse dans sa symbolique dont le réalisateur a toujours refusé d'en donner le sens préférant que chaque spectateur puisse le lire de la manière dont il le perçoit tel un touriste face à un tableau d'art abstrait....


Alors certes le film commence à vieillir notamment au niveau du jeu des acteurs qui est complétement dépassé à l'heure actuelle ou du rythme donné à la construction du film, mais tout cela reste que de l'ordre du détail face à ce que ce film incarne. Mon seul vrai regret concerne HAL-9000, j'aurais aimé qu'il devienne une figure plus effrayante dans l'exécution de son plan, mais bon... il faut toujours une faille dans un bel ouvrage, ça en rend sa beauté plus conséquente.


Ce film serait sorti en 2017 tel quel, je lui aurai donné 8. Mais étant sorti en 1968, je n'ai d'autre choix que de lui attribuer un 10 amplement mérité... Tree of Life rencontre Star Wars avant même l'existence de ces deux derniers... Un indispensable à voir pour tout amateur de cinéma érudit ou non!

MathiasBaum
10
Écrit par

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le 16 janv. 2017

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