Noir et anguleux, prodigieux et ineffable, L'odyssée de l'espace est le Monolithe.


Impossible de le décrire. Bien entendu, on peut bien dire que "c'est un film de science-fiction de 2h21 réalisé par Stanley Kubrick" ou encore que "c'est un parallélépipède rectangle noir d'environ 3 mètres de haut" mais ça n'a aucun sens. Les mots sont bien peu de choses quand il s'agit de décrire de tels concepts.


On ne peut pas vraiment dire que le visionnage de 2001 soit agréable. Il y a certes une certaine admiration face à cette précision technique, cette beauté épurée, ces ballets cosmiques mais on n'est jamais bien loin d'un certain sentiment d'oppression face au vide, au silence, à l'inconnu.


De même le Monolithe inspire un respect immédiat de par sa supériorité évidente, et même une certaine fascination grâce au Requiem de Ligeti, mais ces sentiments sont teintés d'une horreur indicible comparable à celle que pouvaient inspirer les Grands Anciens de Lovecraft.


Enfin 2001, OVNI dans le paysage cinématographique, arrive sans crier gare et semble ouvrir des portes vers de nouvelles dimensions. Une expérience sans pareille qui démultiplie les possibles.


Pour la réflexion du spectateur d'abord, offrant une vision vertigineuse de l'origine de l'homme et de la nature de l'évolution à grands renforts de philosophie nietzchéenne. Cette vision m'a personnellement rappelé le paradoxe de Fermi (en anglais) : alors qu'il y a vraisemblablement des centaines de milliers de planètes habitables dans notre seule galaxie, comment se fait-il que nous n'ayons jamais eu de contact ? Cela veut-il dire que le voyage interstellaire est impossible ? Que la vie, l'apparition de l'intelligence ne sont pas un hasard ? Si la rigueur scientifique laisse parfois à désirer dans l'exploration des hypothèses, elle produit immanquablement un sentiment assez incroyable de vertige qui participe de l'expérience unique qu'est L'Odyssée de l'espace.


La deuxième "porte" ouverte par 2001 est à destination des réalisateurs de science-fiction : la rigueur formelle et scientifique de Kubrick en fait le premier film où l'espace est crédible. Il est encore époustouflant presque 50 ans plus tard de ressentir l'immensité de l'espace ou l'absence de gravité avec tant de réalisme. Beaucoup s'engouffreront dans cette porte, permettant à l'humanité rampante et prisonnière de se construire peu à peu tout un imaginaire à base de maquettes puis de fonds verts, et de se projeter en imagination là où elle ne pourrait rêver un voyage physique.


Pour autant, aucun n'égalera vraiment le maître. Il est encore saisissant aujourd'hui de voir à quel point le film a bien vieilli grâce à un gros travail de rigueur scientifique. Si on excepte les typographies, le Skype un peu cher et les interfaces humain/machines, beaucoup d'éléments sont tout à fait crédibles alors qu'ils n'étaient alors que de la science-fiction. L'espace silencieux, le design du vaisseau, le choix d'un acteur pour interpréter HAL et même la vision de Jupiter and Beyond the Infinite, autant d'éléments qui ont inspiré nombre de films et de jeux sans être dépassés...


Mais pendant le film, rien de tout ça n'a vraiment d'importance. Car sur le moment, ce qui l'emporte sur toute autre réflexion possible, ce sont ces yeux écarquillés, ces oreilles transcendées que rien ne pourra convaincre de laisser filer une seconde de l'expérience en cours.


Fascinés, possédés par cette entité supérieure...

Nordkapp

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