Il serait dur de croire que ce film date de 1968 s'il n'avait pas été réalisé par Stanley Kubrick. Considéré comme un génie visionnaire, il n'a sans aucun doute pas volé cette réputation et le prouve d'une façon brillante dans cette œuvre totalement à part qui aura laissé une empreinte inaccessible dans l'histoire du septième art. Le film n'a pas connu l'érosion du temps, quarante ans après il conserve toute sa superbe. Kubrick y a mis tout son sens de l'esthétisme pour en faire un chef d’œuvre intemporel. On assiste alors à une pure expérience cinématographique d'une beauté incroyable.


La réalisation est tout simplement parfaite, de ce côté là le film est une pure merveille. Une inventivité de tous les instants, un sens du cadre monstrueux et une maîtrise technique incroyable. Kubrick s'est entouré des meilleurs et ça se ressent, son perfectionnisme pousse le réalisme à un degré incroyable; que ce soit dans la reconstitution de la gravité simplement bluffante ou le silence spatial qui rend ce vide si angoissant. L'aspect visuel éblouissant sert également une réflexion totalement allégorique qui donne une aura insaisissable au film. Divisé en quatre parties qui entretiennent entre elles une cohérence abstraite, le scénario garde volontairement le mystère intact. D'un côté frustrant, c'est aussi ce qui fait la force du film.


La première partie intitulée Dawn Of Man commence par un enchaînement de matte paintings tous plus fabuleux les uns que les autres. Une succession de tableaux aux des jeux de lumière splendides et composés de teintes tout simplement magnifiques. Il est difficile, en l’occurrence impossible, de ne pas tomber dans l'excès de superlatifs devant des plans aussi sublimes. On suit ensuite un groupe d'hominidés au langage corporel, qui vivent dominés par d'autres espèces animales. Un matin, ils découvrent au réveil un monolithe noir, une forme rectangulaire imposante plantée dans le sol. Ce bloc constitue tout le mystère de 2001. D'où provient il, quel est son rôle ? Reste qu'après l'avoir touché, les "singes" semblent avoir évolué. L'un en observant un squelette, découvre l'outil sur fond de Ainsi Parlait Zarathoustra. Très vite, tout se transforme...ils s'humanisent et découvrent la violence. On assiste au premier meurtre de l'humanité, totalement froid, brutal. Ils ne se déplacent plus de la même façon et la notion de pouvoir apparaît naturellement. Quelques secondes plus tard un os prend son envol et dans une transition parfaitement gérée, on se retrouve à des millions d'années de là, dans l'espace.


La deuxième partie du film se passe donc dans l'espace, l'homme a évolué et conçu des technologies qui lui permettent de se promener dans le vide et la solitude de l'univers. Il doit réapprendre à vivre dans un environnement qu'il s'est approprié. Kubrick a reçu l'aide de la NASA pour concevoir ces maquettes de vaisseaux qu'il fait danser dans un ballet spatial où l'on se laisse porter par Le Beau Danube Bleu. Comme à son habitude, Kubrick utilise parfaitement la musique pour donner de l'impact à ce qu'il filme. Que ce soit pour signifier la grandeur de ce qu'a accompli l'homme grâce à cette musique entraînante, ou pour insuffler une angoisse terrifiante au vide qui nous entoure. Dans cette deuxième partie, nous suivons cette fois le Docteur Heywood Floyd, se rendant sur la Lune pour une mission gardée secrète. Arrivé sur place, on y découvre la présence du fil conducteur. Le monolithe est là, apparemment enterré depuis des millions d'années. Cet objet de fascination provoque l'incompréhension et l'homme malgré son évolution n'est pas plus enclin à appréhender la signification d'un tel objet. Toujours les mêmes questions qui reviennent, comment...pourquoi ?


18 mois plus tard, une mission est envoyée vers Jupiter sans aucun motif connu. Une partie de l'équipage est en hibernation afin de palier le manque de ressource. A bord se trouve un ordinateur nommé HAL9000, un ordinateur réputé infaillible à qui l'on attribue une conscience humaine. Doté d'une parole, il semble ressentir des émotions et communique avec les deux membres de l'équipage qui restent actifs. Néanmoins, ils confient leur vie entre les mains de HAL, qui contrôle toutes les fonctions du vaisseau. Cette partie est pour le moins intéressante, montrant le rapport de l'homme à la machine et le fait que l'homme soit devenu dépendant de l'outil qui l'a fait évoluer. Kubrick montre d'abord l'infaillibilité de HAL puis celui ci, chose surprenante, fait part de quelques doutes qu'il ne devrait pas avoir. Représenté sous la seule forme d'un œil, Kubrick réussit un coup de maître en le rendant incroyablement humain.


On comprend alors ses doutes, sa frustration, puis sa colère. Cette partie atteint un véritable sommet de tension. HAL tout comme le singe il y a de cela des millions d'années, fait la découverte de pulsions meurtrières. Dave Bowman et Frank Poole ne lui font plus confiance et veulent le déconnecter. Un zoom découpé sur cet œil suffit à le rendre effrayant, il élimine froidement les scientifiques en hibernation et Frank Poole. Il est temps pour Bowman de le déconnecter. C'est alors qu'il apprend le but de sa mission...le monolithe trouvé sur la Lune émet une onde radio vers Jupiter. Il embarque à bord d'une capsule pour rejoindre seul Jupiter. La quatrième et dernière partie est la plus étrange, la plus abstraite, la plus passionnante. Le film prend ici une autre dimension, il devient spirituel, complexe. Bowman se retrouve dans l'espace confronté au monolithe noir. Il est alors aspiré dans un état second.


S'en suivent dix minute d'expérimentation visuelle purement incroyables où toutes les règles de l'esthétisme sont rompues. Un enchaînement de plans aux couleurs saturés, d'images en négatif. Les flous détruisent l'image, la lumière puise sa source dans de magnifiques reflets et la caméra traverse cet océan en toute tranquillité. Si certaines images possèdent des teintes à l'esthétisme douteux, d'autres sont tout simplement magnifiques.


Bowman se "réveille" dans une suite lumineuse aux murs longés de meubles de la renaissance. Il se voit alors vieillir et sur son lit de mort se confronte encore au monolithe ( dont l'aura mystérieuse aura plané tout le long du film et après encore ) , avant de mourir et de renaître sous la forme d'un "Fœtus Astral"


Alors, quelle est la signification de tout cela ? Je citerais simplement Kubrick pour exprimer ce que je pense: "Quand un film a de la substance ou de la subtilité, on ne peut jamais en parler de manière complète. C'est souvent à côté de la plaque et forcément simpliste. La vérité a trop de facettes pour se résumer en cinq lignes. Généralement, si le travail est bon, rien de ce qu'on en dit n'est pertinent". Reste que c'est une œuvre visuellement époustouflante et empreinte d'un pessimisme évident. Le mystère est entier et fait de ce film tout comme le monolithe noir, un objet de fascination. Si la lenteur du métrage peut être rédhibitoire, Kubrick prenant le temps de poser ses scènes en les dilatant au maximum, et si le scénario pourrait au final paraître comme un tour du Malin Génie, la fascination qu'exerce ce film sur moi lui vaudra la note maximale. On est bien en présence d'un chef d’œuvre, réalisé par l'un des plus grands.

HKs
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le 29 mars 2015

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