20th Century Boys est la première adaptation sur grand écran d'une oeuvre de Naoki Urasawa. Forcément, nous en attendions beaucoup tant le mangaka est réputé exigeant dans ses scenarii et la justesse de ses protagonistes. Le résultat est plutôt intéressant à visionner mais n'évite pas certains écueils malheureux. L'un des principaux reproches est ainsi un cas d'école courant et inévitable, comment aborder une oeuvre narrative riche de 22 tomes dans trois films.

Alors le plaisir, où est-il? Il provient de l'étrange fascination que nous développons autour de l'halluciné destin de nos neuf guerriers de la survie humaine.

L'autre force du film provient du style inhérent à l'auteur. 20th Century Boys rappelle ainsi le pur récit d'initiation avec les premiers émois de l'enfance. Le réalisateur du film cite volontiers "Stand by me" avec lequel les "Boys" partagent cette étrange mélancolie précoce. La douce période est ainsi marquée par le rôle de la musique, les rêves d'adultes et toutes les ambitions qui s'y rattachent. On notera aussi la présence de Bob Dylan avec "Like a rolling stone", tout cet environnement remuant donnera envie à Kenji de devenir rock-star pour libérer le monde de ses chaînes. La peinture de ce petit monde se montre précise, attachante et vitale, ce qui explique sa mise en parallèle avec les actions des années 90. Kenji n'est pas rock-star mais gérant d'un King-Mart, une aliénante superette sans avenir.

Chaque enfant suit sa route pour devenir un "monsieur tout le monde" rangé et sans histoires, jusqu'à la réapparition du symbole. Celui-ci provenant de leurs histoires de gosses, le cahier des prédictions ; et dès lors ce sont toutes les élucubrations naïves et enfantines du groupe d'amis qui prennent forme explicitement dans la dureté du monde contemporain. Cette apocalypse juvénile fantasmée se développe sous les yeux incrédules du groupe. Et c'est ici-même que se trouve une autre force stimulante du métrage. Le glissement du quotidien routinier vers la fin des valeurs du point de vue de nos héros prend une connotation tragique. Le public semble rester de marbre, alors même qu'un parti politique fasciste s'immisce progressivement dans la vie des gens.

Troublante leçon de l'histoire, sous couvert de prôner la paix, le parti de "l'amitié" devient la première force politique et instaure un climat de peur et de délation. Les "héros" deviennent les terroristes d'une conspiration inexorable. Kenji nous rappelle alors le personnage d'une autre série d'animation, Kacho Ohji où le héros cherche à sauver le monde au son de sa guitare. Ici aussi notre héros improbable se remémore ses idéaux passés en jouant violemment de sa guitare électrique. Ce retour aux sources lui donne des forces pour entreprendre sa longue lutte underground de résistance au nouveau pouvoir.

Si la mise en scène se révèle classique, sans fioriture, et pas toujours finement exploitée, on louera la volonté évidente de partager avec le spectateur un vibrant récit fleuve à la passion communicative. La quête de vérité du groupe des neuf passionnés par l'entraînant pouvoir de la saga à impliquer tous nos sens avec le plus minime des détails. Qui est AMI, le mystérieux gourou d'un mouvement occulte? Qui tire les ficelles d'un monde en déconstruction ? Qu'adviendra-t-il de nos héros? On notera que Naoki Urasawa s'évertue à nouveau à jouer avec nos nerfs en usant d'une chronologie morcelée. Cette dernière permet de mettre en lumière des éléments insignifiants pour mieux les confondre avec un audacieux présent.
Lorelei3
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le 3 août 2011

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