Peter Berg, quoi que l'on puisse en dire, a de la suite dans les idées, pour le moins. Il retrouve ainsi Mark Wahlberg pour la quatrième fois, de rang, pour à nouveau cartographier les ténèbres de son pays via l'action la plus décomplexée. Le tout dans un mouvement qu'il ne peut s'empêcher de déployer : celui d'avoir recours à la figure de l'American Hero la plus triomphante qui fera grincer des dents. Un peu comme Clint Eastwood, déjà rangé dans un placard par beaucoup pour cause de gâtisme républicain en phase terminale.


22 Miles ne surprendra donc à aucun moment de la part du duo, sous estimé par beaucoup. Mark Wahlberg jouera donc le héros bad ass, fou à lier (comme les USA peut être) et fort en gueule, qui tire avant et pose les questions ensuite. Sans faille apparente, dans la plus pure tradition américaine du héros.


Peter Berg, lui, imposera une fois de plus son style tranchant et explosif, marqué par un sens de l'espace incroyable. Le réalisateur est, à l'évidence, l'un des meilleurs pour mettre en scène la brutalité et la tension, comme en témoigne cette séquence inaugurale, déroulée à l'ombre des peupliers US d'une banlieue WASP anonyme et bien propre sur elle.


Comme en témoigne aussi cette action ininterrompue en pleine jungle urbaine indonésienne, filmée entre course poursuite, fuite à pied et invasion d'un immeuble résidentiel dans le coeur duquel sifflent les balles et explosent les grenades. Ce passage est tout trouvé pour trouver un instant pour se souvenir du meilleur du Royaume, au cours duquel Berg parlait de son pays pour la première fois. C'était il y a quatorze ans déjà. Et c'était déjà formidable à l'époque.


L'action est prétexte, pour sa caméra, de littéralement s'emballer, tout au long d'une fuite infernale conduite au pas de charge une fois lancée, sans fournir une seule occasion de retrouver son souffle. Berg excelle pour restituer la fureur cinétique, une violence très généreuse qui fait mal et qui n'hésite pas à faire littéralement ressentir la douleur en plus d'une occasion.


L'aspect exotique de l'entreprise est assuré par la présence de l'incroyable Iko Uwais dans le combat à mains nues, discipline où il excelle toujours et qu'il chorégraphie au passage. Sa patte est aisément reconnaissable, sa puissance toujours aussi fabuleuse, même si Peter Berg semble parfois un peu trop emprunté pour filmer ses exploits et en restituer toute la hargne. Mais rien de méchant, surtout que le prodige se montre toujours aussi charismatique.


On passera sans difficulté les quelques scories dont peut souffrir le film, comme son introduction façon diesel ou encore la vie privée un peu tarte à la crème d'un des personnages féminins. Pour ne retenir que cette action des plus survoltées ainsi que cette énergie rentre-dans-le-lard des plus fulgurantes. Et peut être, aussi, cette vision incroyablement désenchantée de l'Amérique qui, même si elle corrige au final son opposant, en ressort cependant comme perdant son affrontement et manipulant ceux qui la servent


Humiliée, trahie, incapable d'une quelconque vision d'ensemble de l'échiquier, comme le montre à plusieurs reprises Peter Berg via des plans ultra techno ou des prises de vue effectuées via des drones, 22 Miles lui renvoie à nouveau, comme Traque à Boston ou Du Sang et des Larmes, un portrait peu reluisant d'une nation finalement comme les autres, loin de la première puissance mondiale dans le rôle de laquelle les USA s'imaginent encore.


Violent, brutal, 22 Miles l'est, à l'évidence. Amer aussi, en forme de symbole de la fin des illusions de grandeur.


Behind_the_Mask, qui ne lèvera pas les couleurs ce soir.

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le 4 sept. 2018

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