De l'abjection, partie 2
Layla, une jeune institutrice palestinienne est arrêtée pour un attentat qu'elle n'a pas commis et envoyée dans une prison où se côtoient prisonnières politiques arabes et criminelles de droit...
le 10 janv. 2017
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Avec 3000 nuits, Mai Masri s’engage dans le conflit israélo-palestinien et filme la vie de prisonnières palestiniennes dans une geôle israélienne.
Layal est arrêtée et emprisonnée. Les raisons de son arrestation sont floues. On comprend qu’elles sont liées à un attentat, mais sa culpabilité est clairement remise en cause. La voilà bientôt seule au monde. Enfermée dans une cellule où elle subit la violence de ses co-détenues, elle perd bientôt espoir. C’est l’annonce de sa grossesse qui va progressivement lui faire remonter la pente. Paradoxalement, elle rejoint d’autres prisonnières moins haineuses mais toujours méfiantes. Elle y découvre des solidarités, des défaites, mais surtout la révolte. Sans nous rendre limpide le conflit israélo-palestinien, Mai Masri nous plonge dans un pan de l’histoire de ce conflit infini. Nous voilà pris au cœur d’un monde clos dont la caméra tente de d’extraire de l’espoir, de la lumière. Pourtant, la réalisatrice ne nous épargne pas la réalité, elle rappelle ainsi que près de 20% des Palestiniens ont été détenus dans des prisons israéliennes à un moment ou à un autre. La réalisatrice parvient peu à peu à nous faire oublier qui des détenues sont palestiniennes ou israéliennes pour nous rappeler avant tout à l’humanité. L’enfant qui naît est l’occasion de montrer que plus elle est isolée plus Layal trouve un moyen de rester forte, sereine, de s’évader par la pensée. La description du quotidien de cette prison est loin d’être morne, les personnages évoluent, se cherchent. C’est leur courage qui sera la cause de nombreuses libérations. Malgré les corps qui flanchent, la réalisatrice parvient à nous montrer comment ils résistent, même à terre.
34 jours
L’actrice principale développe un jeu intense, habité, porté par ce personnage fort, entraîné dans un quotidien inattendu. On devine en effet que cette femme mariée avait un tout autre destin entre ses mains. Elle se libère presque en prison des carcans qui auraient pu peser sur elle. Son enfant est le signe de cette libération. Élevé en prison les deux premières années de sa vie, il ne perd pas en vivacité, ni en connaissance du monde. Un petit oiseau de bois symbolise cette rencontre entre l’enfermement et la liberté. Son ombre projetée sur un mur est une belle image poétique. Les images sont en effet très fortes, le cadre extrêmement travaillé pour donner à voir des vies. On sent cet élan dans un film qui a été tourné en 34 jours. 3 000 nuits résumées en une heure et demie. 3 000 nuits, soit huit années de prison auxquelles Layal est condamnée. Le passage du temps est très fluide, dû à un montage finement précis dans lequel seuls certains détails nous font comprendre que les mois ont filé. Ainsi, la réalisatrice choisit bien les moments de vie qu’elle filme, insistant sur les regards échangés, les manipulations, ce qui est vu, entendu. Certaines jouent un rôle, il devra être dévoilé. Les quatre murs des cellules deviennent des lieux de complots, de révoltes. A l’image d’Ombline, autre femme devenue mère en prison (mais dans des circonstances bien différentes), Layal est une femme qu’on n’oublie pas. 3 000 nuits est le premier film de Mai Masri à sortir en France, espérons qu’il soit l’occasion de la sortir de l’ombre (en 2007, elle a tourné 33 jours, un long métrage inconnu en France). Histoire de rendre hommage à une femme qui sait mettre les femmes dans la lumière, sans cacher leurs failles. La sensibilité du film est rare car elle s’attache à des gestes, des regards, sans nier la violence, la peur… Le conflit perdure, peut-être finalement que la vie aussi… Mais à quel prix ?
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Créée
le 18 juil. 2018
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