« Chacun porte au fond de lui comme un petit cimetière de ceux qu'il a aimés. »

Et parfois, la tombe est bien trop grande pour un si petit cimetière.

Julia a tout pour elle mais la mort frappera à sa porte, par deux fois. Sa mère est atteinte d'un cancer et très vite elle en meurt. Cette descente aux enfers, qu'elle partagera avec elle, ne sera pas le signe d'un renouveau mais un coup de poignard fatal en plein cœur. Rire, être ailleurs, s'éprendre d'un homme stable, se dire qu'en s'acquittant de son propre chagrin pour vivre une vie parallèle, tout ira bien. Mais comment se relever face à la destruction de ses piliers quand on a arrêté de vivre pour se voiler la face ?

33 Scènes de la vie est inconnu au bataillon et découvert sur Arte. Ce film polonais joue la carte de l'authenticité. Il n'y a pas de fioritures ni de zèle dans la façon de filmer le désespoir des protagonistes. Julia Jentsch est impressionnante car elle montre avec justesse comment on peut, dans ces circonstances, se protéger soi-même et tenter, au mieux, de ne pas reculer. J'ai beaucoup aimé ce récit intense, parfois très dur, car il dépeint les répercussions de la mort sur une famille entière, où chaque membre vit différemment les émotions. En centrant son film sur Julia, le réalisateur nous donne un aperçu de cette petite mort (semblant apprivoisée par moment) qui coule dans ses veines.

La caméra ne prend aucun parti, le cinéaste montre tout, les scènes de nu, la mort, certains actes parfois immoraux ou déplacés. Par des plans larges, parfois immobiles, le spectateur assiste à ce drame comme témoin et se fait sa propre opinion. Le rythme est lent, la décrépitude des personnages est superbement mise en scène. Entre certains plans, l'absence totale, le vide, le noir, une musique très forte et l'impression d'un engrenage morbide qui fissure l'héroïne petit à petit. Jusqu'à cette scène de fin, superbe, dernier abandon d'une épaule qu'elle croyait solide, à travers la vitre on assiste, impuissant comme elle, à la solitude d'une vie désenchantée...

Cette profondeur, qui gagne de la puissance et un certain gage grâce à une production modeste, est palpable tout au long de ce film. Il n'est pas seulement question de la maladie mais aussi de la fin, impalpable, qui détruit toujours une partie de soi, toujours, qu'on décide d'en être acteur ou pas.
EvyNadler

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