Un goût d'inachevé...
Petit film court (1h33), le film aurait néanmoins pu s'épargner quelques scènes.Mais il faut bien dire que rien n'est plus difficile que de faire durer un quasi huis-clos. Deux personnages...
Par
il y a 5 jours
2 j'aime
Trente-sept (le vrai titre du film, tel qu’il apparaît au générique, et non ce racoleur et maladroit 37 : l’ombre et la proie inventé pour l’affiche) commence très, très bien : on accompagne un chauffeur de camion poids lourd tourmenté et aux pulsions suicidaires dans sa journée de boulot, une journée ordinaire avec les copains que l’on croise, les conversations avec le bureau, les clients pas faciles. Certains trouveront ce démarrage trop lent, plus « cinéma français » que « thriller à l’américaine », voire « thriller Netflix » : tant pis pour eux, Arthur Môlard prend son temps pour nous faire découvrir un monde que nous croisons tous les jours sur les routes, dont notre vie quotidienne dépend, mais que nous ne connaissons pas. Et pour construire un personnage complexe, ambigu, auquel nous allons nous attacher, ce qui est évidemment la base de tout film impliquant émotionnellement son spectateur.
Lorsque Trente-sept entre dans sa partie thriller, limite « film de genre », avec l’apparition d’une auto-stoppeuse a priori charmante mais en fait dangereuse (Melodie Simina, excellente…), on craint que le film ne s’enlise dans une intrigue convenue, avec The Hitcher comme modèle. Mais le scénario de Môlard est plus malin, et surtout plus profond que ça : alors que la tension ne cesse de monter – avec une belle efficacité dans la narration, même si la mise en scène n’est pas encore – il s’agit d’un premier film – au top, apparaît peu à peu le vrai sujet du film. Un sujet moral, un sujet politique puisque, fait rarissime dans le cinéma « grand public », il affronte l’un des plus grands défis de notre société actuelle : la confrontation entre un prolétariat laborieux désormais au bord de la paupérisation, du déclassement social, et une population immigrée de plus en plus « menaçante » pour lui de par son désespoir. Ce n’est pas rien, cela confère une valeur réelle à ce Trente-sept qui dépasse aisément son statut de « petit film », et se termine d’ailleurs sur une scène magnifique, offrant peut-être l’espoir d’une lumière dans cette histoire très, très noire. « Bemvindo » (bienvenue, en portugais) est en effet le dernier mot intelligible du film, et il est difficile de ne pas en être bouleversé.
Bon, les spectateurs trop rationnels pourront critiquer certaines faiblesses du scénario : la confrontation avec la police et son manque de conséquences, la présence d’une jeune femme brésilienne au milieu d’une bande de migrants africains, le manque d’initiative de « Saint-Vincent » dont on imagine à plusieurs reprises qu’il pourrait sortir du cauchemar qu’il vit… Mais ce sont là des scories finalement peu importantes par rapport à la force de l’histoire qui nous est racontée, et surtout, par rapport à la belle ambigüité de personnages dont on ne connaîtra finalement pas totalement la « vérité ».
Bravo !
[Critique écrite en 2024]
Créée
il y a 4 jours
Critique lue 77 fois
4 j'aime
2 commentaires
D'autres avis sur 37 - L'Ombre et la Proie
Petit film court (1h33), le film aurait néanmoins pu s'épargner quelques scènes.Mais il faut bien dire que rien n'est plus difficile que de faire durer un quasi huis-clos. Deux personnages...
Par
il y a 5 jours
2 j'aime
De Arthur Môlard (2024).Pour un film de genre, ce à petit budget, , sans non plus crier au chef d'ouvre , le premier film 'grand écran' d'Arthur Môlard est une bonne surprise infusant tout au long du...
Par
il y a 5 jours
2 j'aime
Je trouve que c'est un excellent thriller. Le mystère qui plane autour de cette femme est fascinant et rappelle beaucoup The Hitcher (avec Rutger Hauer) : elle est trop forte, presque invincible...
Par
il y a 4 jours
1 j'aime
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25