"3 Billboards" est donc le dernier film de Martin McDonagh (à qui l'on doit l'un de mes films préférés, "In Bruges"), un challenger assez nouveau dans le domaine de la comédie noire qui a su imposer son style trash et décalé, parfois un peu pataud, avec un aplomb remarquable.
Son premier film, malgré ses défauts évidents, m'avait donc comblé. Son second, "7 psychopathes", bien que très personnel et attachant, m'avait laissé assez circonspect, la faute à une deuxième moitié de long-métrage balourde, à un Sam Rockwell en roue libre (et donc insupportable), et une tentative trop affichée et un peu vaine de briser le quatrième mur.
Mais voilà que débarque "3 Billboards" avec Frances McDormand en vedette ! Malgré mon overdose de bandes-annonces (je crois que je la connais par cœur), j'étais totalement hypé.
Et oui, c'était bien. Mais bizarrement, je n'arrive pas à être aussi enthousiaste que ceux qui aimeraient voir le film sacré à la cérémonie de ce soir.
Par où commencer... Le scénario est très bon, très bien écrit. L'histoire de cette femme qui règle ses comptes avec la police locale, incapable de mettre la main sur le violeur et assassin de sa fille, en se lançant dans une campagne de discrédit des forces de l'ordre est assez inédite. On apprécie d'ailleurs les références très "western" placées au début du film, Frances McDormand entrant en ville comme un Clint Eastwood prêt à en découdre avec le monde entier.
McDonagh prouve encore une fois son talent pour écrire des histoires chorales, développer des personnages psychologiquement complexes. Car si il y a une chose qu'on ne peut pas retirer au réalisateur c'est qu'il aime ses personnages, peut-être un peu trop, au point de tomber parfois dans la niaiserie ou le pathos lourdingue.
Là encore, une bien belle brochette de talents s'invite parmi les seconds rôles, avec notamment Woody Harrelson et un Peter Dinklage qui a l'air de bien s'amuser loin de Westeros. Sam Rockwell, que j'avais trouvé insupportable dans le film précédent, est ici très bon, avec un jeu, au départ assez monolithique, qui gagne en nuance au fur et à mesure que le récit avance.
Et pour cause, c'est bien aux habitants du Missouri que s'intéresse McDonagh, à leurs contradictions, plus qu'à la résolution de l'enquête. Ceux qui attendent de "3 Billboards" comme un thriller haletant seront donc déçus.
Les dialogues sont bons, acerbes, même si Frances McDormand peut parfois lasser dans son rôle d'éternelle provocatrice fauteur de troubles. Il aurait peut être été plus simple de s'attacher à son personnage s'il avait été un peu moins jusqu'au boutiste dans son attitude.
La réalisation est maîtrisée et personnelle, tout en sachant s'effacer derrière les protagonistes et les situations. McDonagh ne tombe pas dans le formalisme et la dictature des "fulgurances visuelles", et c'est tant mieux.
Tout ceci étant dit, vous aurez compris, à la lecture de ce paragraphe, que le tableau n'est pas exempt de défauts. En fait, il est même difficile de parler de réels "défauts" perceptibles, la légère déception qu'a engendré chez moi le visionnage du film semble plus résider dans son ADN même.
Je n'ai pas toujours compris les intentions du réalisateur. Bien sur, l'absence de manichéisme est louable, mais à alterner éclats de violence (souvent disproportionnés) et bons sentiments (notamment autour du personnage de Woody Harrelson), le film se perd dans son propos. Un ami me disait qu'il avait interprété ça comme "une chronique de l'Amérique sous Trump", avec des policiers aussi pitoyables et racistes que la population white-trash de base, où les valeurs communes n'ont plus lieu d'exister. Toujours est-il que ce léger malaise a persisté chez moi pendant le visionnage. Comprenons nous-bien: je n'attends pas d'un film qu'il explicite ses intentions, surtout pas, mais plus qu'il me donne les clés pour l'interpréter. C'est difficile à expliquer, mais je n'ai pas réussi à voir beaucoup plus loin que les personnages, à discerner un "tableau global".
Ce sentiment très "premier degré" du récit n'est pas aidé par le traitement assez linéaire de l'intrigue. Le film atteint vite son rythme de croisière, quitte à devenir un peu "plan plan", à manquer de véritable folie, malgré les tentatives de choquer.
En résulte un bon film, bien joué et réalisé, au scénario original, parfois touchant. Mais on ne peut s'empêcher de penser que Martin McDonagh aurait gagné à clarifier ses intentions afin que "3 Billboards" gagne en intensité.
Mais dans une industrie où les scénarios originaux et intéressants se font rare, "3 Billboards" a le mérite de rappeler qu'il est possible de faire un film d'auteur bien ficelé et pas chiant sans perdre la moitié de son public dès les 15 premières minutes (coucou "A Ghost Story").