3 Billboards : Les Panneaux de la vengeance, troisième long-métrage du réalisateur britannique Martin McDonagh, est à bien des égards, Le film qui lance l’année 2018. Humour noir, langage de charretier et complexité émotionnelle des personnages restent les mantras du cinéma de McDonagh. Néanmoins, il se risque avec son dernier film dans un nouveau registre, le drame. Une transition réussie où la sensibilité place le spectateur devant un cinéma à fleur de peau.
Alors que l’enquête sur le viol et l’assassinat de sa fille n’avance pas, Mildred Hayes décide de louer trois panneaux sur le bord d’une route peu empruntée afin d’y inscrire un message visant à interpeller les autorités ; en particulier le chef de la police, le shérif Bill Willoughby. Le petit village du Missouri va alors vivre au rythme de ces panneaux, véritable hache de guerre déterrée par Mildred.
3 Billboards est le récit de trois personnages. Mildred Hayesle shérif Willoughby puis son adjoint Dixon sont tour à tour mis sur le devant de la scène pour mettre en exergue leur évolution et finalement, leur humanité. Opérant de nombreuses ambiguités sur le caractère de ces trois personnages, le récit gomme toute trace de manichéisme ou pire, de parti pris.
Bandana rivé sur la tête, les traits taillés à la serpe, la coupe anarchique et le regard tantôt flamboyant tantôt perdu dans le lointain, le rôle de Mildred Hayes est peut-être la plus belle interprétation de Frances McDormand. L’incroyable mélange entre fragilité et brutalité n’aurait pas pu tenir sans la performance de l’actrice. Après avoir remporté le Golden Globe de Meilleure actrice dans un film dramatique, je vois mal comment l’Oscar pourrait échapper à cette Frances McDormand animée par le brasier de la colère et de la vengeance, Quant aux deux policiers, Woody Harrelson est certainement le rôle le plus équilibré du film alors que Sam Rockwell est le plus ambigu (tellement ambigu, que le changement de personnalité quasi miraculeux du personnage reste peu crédible). Les rôles secondaires ne sont pas en reste avec un nain transi d’amour pour Mildred, un ex-mari violent, un publicitaire miséricordieux et une jeune cruche gardienne de zoo.
Carter Burwell, bras droit musical du cinéma des frères Coen, nimbe 3 Billboards d’une aura quasi mystique. Le deuil et les remords marquent profondément les chansons, accentuant le caractère dramatique de l'histoire. L’atmosphère musicale, cruciale pour soutenir le jeu d’équilibriste auquel s’astreint McDonagh, parvient à elle seule à donner des frissons.
Faisant passer le spectateur du rire aux larmes dans de rapides ruptures de ton, 3 Billboards est une petite révolution dans le paysage cinématographique de ces dernières années. Son réalisateur est habilement parvenu à intégrer à un drame poignant, un soupçon d'absurde et de comédie, des registres explorés dans ses deux autres films, Bons baisers de Bruges et Sept psychopathes. Seul bémol, le titre choisi pour sa distribution en France. Le mélange français-anglais avec en plus un chiffre, ça devrait être interdit.