Au premier abord, la publicité sur le film acclamé par la critique semble démesurée. Car 3 Billboards n'est pas vraiment "révolutionnaire". Ni pour sa caméra, certes efficace mais loin d'être bouleversante. Ni pour sa bande son qui bien qu'agréable n'est pas particulièrement remarquable. Le film s'inscrit dans la longue tradition américaine des westerns et en le voyant, on peut difficilement éviter la référence au Fargo des Frères Coen. Pourquoi aller voir ce film alors? Que lui vaut des critiques si dithyrambiques?
3 Billboards est un film qui vous remue les entrailles, qui vous laisse en tension intense pendant presque 2 heures, qui vous fait rire puis pleurer. C'est un film qui vous touche, fondamentalement, et cela grâce à un scénario superbe porté par des acteurs exceptionnels.
Tout commence dans une petite ville dans le sud des Etats-Unis, bien loin des grandes villes modernes et mondialisées. Un petit monde en huis-clos qui vit dans une triste médiocrité. Une adolescente est morte quelques mois auparavant dans de terribles circonstances. L'enquête reste au point mort. Sa mère, jouée admirablement par France McDormand, décide de bouleverser ce petit monde et d'interpeller le shériff sur d'immenses panneaux publicitaires le long de la route où sa fille a été retrouvée. C'est en fait l'histoire d'une femme en colère dans un monde rongé par le racisme quotidien, l'aigreur et l'indifférence.
Jusqu'ici, rien de bien nouveau. L'art délicat de ce film et de son réalisateur Martin McDonagh est dans la manière dont il manipule le regard du spectateur sur ce petit monde. Le premier plan est caricatural : une femme blessée se bat contre un monde injuste, des policiers incompétents, une passivité ambiante. Et puis délicatement, chaque personnage prend de l'épaisseur et de l'humanité. Le vrai héro de ce film est de toute évidence le personnage joué par Sam Rockwell (qui fait ici une prestation remarquable), Dixon, un policier détestable. Dixon est un beauf : il est bête, s'exprime mal, réfléchit mal, est agressif et impulsif. On apprend même qu'il a torturé un noir. On le voit se défouler gratuitement sur un homme innocent et le jeter d'une fenêtre. Il est la représentation même de l'homme pathétique, vivant encore chez une mère maltraitante à plus de 30 ans, immature et colérique. Le génie de 3 Billboards est de faire sortir de la boue ce personnage. Sa beauté s'élève progressivement au-dessus de la médiocrité ambiante. 3 Billboards est un film définitivement optimiste qui n'angélise pas ses personnages mais les humanise avec finesse. C'est en fait l'histoire d'hommes qui se battent en permanence contre une misère rampante, qui échouent souvent mais qui parfois avancent et s'émancipent.
La délicate fleur de lotus naît d'une boue sale et opaque. Sa beauté se nourrit de la saleté du monde. 3 Billboards est un film qui fait naître des fleurs de lotus au fin fond d'une Amérique intolérante et qui nous donne envie d'y croire. Ne le ratez pas!