3 from Hell
5.3
3 from Hell

Film de Rob Zombie (2019)

3 from hell : Les rebuts du diable semblent exténués !

Par quoi commencer ? Pour quelqu’un ayant tant aimé le cinéma de Rob Zombie, qui au milieu des années 2000, aura inscrit son nom parmi une nouvelle génération de cinéastes de genre furieux, ramenant à toute une tradition du cinéma horrifique des 70’s, desquels on peut citer Eli Roth (le diptyque Hostel), Greg McLean (Wolf creek) ou Alexandre Aja (le remake ahurissant de « La colline a des yeux), l’évolution de son cinéma depuis « 31 » a de quoi laisser plus que perplexe. Pour resituer un peu le contexte, rappelons qu’après son très bon « The lords of Salem », hommage foutraque mais hypnotique au cinéma surréaliste de Ken Russell, il était sur un projet de film totalement différent du reste de sa filmographie, sensé être situé dans le monde du Hockey sur glace dans les 70’s. Pour cet amoureux pur du cinéma de cette époque, on était fortement curieux de voir comment il allait pouvoir mettre de sa personnalité rock’n roll dans un registre aussi opposé à ce à quoi il nous avait habitués jusque là. Malheureusement, la curiosité nous concernant n’aura pas été récompensée, le projet étant tombé à l’eau, ce qui l’aura poussé à nous offrir un retour aux sources, du moins sur le papier, avec le fameux « 31 », qui réunissait à priori tous les éléments constitutifs de son univers bariolé et carnavalesque, dans le style de « La maison des mille morts » ou de ses clips. Le résultat, on le connaît, délire cheap à l’énergie mal canalisée, hystérique et tombant plus d’une fois dans le gros Z qui tâche, ne sera sauvé que par quelques sursauts d’inspiration, à commencer par cette gueule incroyable, Richard Brake, gros méchant du film, et vraie découverte pour tout le monde, y compris les détracteurs les plus farouches du résultat. Toujours est-il qu’après ce film en demi-teinte, c’est le moins qu’on puisse dire, on se demandait bien avec quel projet tonton Rob allait revenir, et c’est donc avec un mélange d’incrédulité et d’excitation que l’on s’est retrouvé à accueillir la perspective d’un nouveau volet des aventures violentes de la famille Firefly. Incrédulité d’une part parce que le final de « The devil’s rejects » était tellement iconique et jouissif que l’on se demandait bien comment Zombie allait bien pouvoir nous justifier un retour de sa bande de salopards, mais excitation car il faut bien le dire, ces rebuts du diable nous avaient bien manqué, surtout dans un cinéma de genre contemporain ayant du mal à proposer des choses réellement incarnées et transgressives. Alors on a attendu le résultat avec inquiétude mais bienveillance, jusqu’aux premiers signes d’alerte, à commencer par la maladie de Sid Haig, ayant obligé Rob Zombie à réécrire le film, justifiant le départ de ce dernier et permettant l’intégration d’un nouveau personnage, beau-frère de Otis et Baby, interprété par le fameux Richard Brake.


La première partie est totalement décousue. Nous découvrons à travers des flash infos ce qu’il s’est passé après l’assaut clôturant le film précédent, les journalistes télé expliquant bien à quel point la « résurrection » des membres de la famille Firefly est improbable, vu le nombre de balles qu’ils se sont pris dans le corps. Le procès, le destin de Captain Spaulding, tout ça nous est exposé dans ces scènes introductives, s’éternisant sur de trop longues minutes. Ensuite, nous nous retrouvons donc à suivre les personnages séparés, le réalisateur prenant tout son temps avant de les réunir enfin, envisageant sans doute cet instant comme chargé émotionnellement, mais ne provoquant au final qu’indifférence polie. Et dès ces scènes introductives, tous les défauts d’écriture se font sentir douloureusement, à travers une succession de moments défiant toute logique narrative. Nous n’allons pas raconter le film dans les moindres détails, mais il est difficile de comprendre ce qu’il a bien pu se passer dans la tête de Rob Zombie lorsque l’on assiste effaré à la vision d’un Otis, censé être le criminel le plus dangereux du pays, dans des travaux d’intérêt général, avec seulement un type armé pour surveiller tout ce beau monde. A ce niveau, c’est quasiment une invitation à l’évasion, ce qui ne tardera bien évidemment pas à survenir. A partir de là, Rob va calquer sa structure narrative sur le schéma de « The devil’s rejects », nous infligeant une succession de scènes de violence gratuite n’ayant plus aucune logique narrative, à part tomber dans un sadisme bête et méchant faisant juste office de cache misère, et comparer aux scènes similaires du précédent auxquelles on pense inévitablement n’est pas sans poser quelques soucis d’ordre moral. Repensons à la scène du motel, durant laquelle notre famille de psychopathes s’en prenait violemment au pauvre Geoffrey Lewis et ses proches. Celle-ci était amenée de manière subtile, et permettait réellement de comprendre la logique des personnages. Les victimes, même sans un gros préambule, existaient à travers quelques bribes de dialogues qui nous les rendaient immédiatement attachantes et nous plaçaient dans une position inconfortable de proche omniscient, témoin impuissant de la barbarie se jouant là. Rien de tel ici, juste des êtres désincarnés au destin joué d’avance, tristes êtres avec lesquels nos psychopathes font mumuse, comme dans un banal torture porn extrême. Si c’est pour voir une pauvre femme entièrement nue martyrisée à coups de couteau dans une scène interminable, entre autres joyeusetés, difficile de voir ici autre chose qu’un « August underground ». Ce qui, signé par quelqu’un d’autre, pourrait ne provoquer qu’un vague haussement d’épaules d’un air blasé, s’avère ici assez tragique, car Rob Zombie n’est pas le dernier des tâcherons, et avait su jusqu’ici imposer un vrai univers, piochant dans une tradition de films des seventies, pour s’approprier ces codes en les faisant siens, à travers des dialogues hilarants et un esprit anar réjouissant. Donc le voir ainsi perdu, à ressasser ses propres obsessions en donnant l’impression de n’en avoir plus rien à foutre, sans aucune trace d’humour, a quelque chose d’un véritable crève cœur.


On peut dire la même chose pour son casting, entre un Sid Haig uniquement présent les premières minutes, le pauvre ayant l’air absolument exténué, le cabotinage épuisant de Sheri Moon Zombie et l’air absent de Bill Moseley, seul Richard Brake a l’air d’y croire un peu, même si l’alchimie ne passe malheureusement pas avec ses compères comme avec le défunt Sid Haig, faute d’une écriture justifiant réellement sa présence. Pur pièce rapportée, le comédien, aussi talentueux soit-il, ne peut à lui seul sauver ce qui ne l’est pas, et l’on assiste désemparés à la destruction d’une mythologie que le cinéaste sabote lui-même. Il est difficile de comprendre comment un metteur en scène si atypique peut à ce point annihiler tout ce qui a fait les fondations de son style, surtout en s’attaquant à la suite de son film le plus mythique. A ce niveau-là, on peut légitimement se demander s’il n’a pas consciemment bousillé sa propre franchise, même si cela serait totalement incompréhensible, mais étant donné le résultat, il semble improbable qu’il ne se soit pas rendu compte qu’il fonçait droit dans le mur. Comme si la mort de Sid Haig avait déprimé tout le monde, au point qu’ils ne soient plus dupes. Film fait visiblement pour des mauvaises raisons, à défaut d’autre chose, et sans possibilité de revenir en arrière, le résultat est une épreuve pour tous les fans du cinéma de Rob, et voir ces personnages autrefois si iconiques réduits à de banals psychopathes dont on se fout royalement du sort a quelque chose de réellement tragique. Là où, malgré leurs actes atroces, ils pouvaient autrefois se montrer quelque peu attachants, par les liens qui les unissaient, on se retrouve ici réellement indisposés devant leurs méfaits, à souhaiter que tout ceci s’arrêter au plus vite. Même la partie mexicaine qui laisse un temps espérer un regain d’inspiration tombe dans l’auto caricature, et ne propose pas d’antagoniste de la trempe d’un Wydell dans le précédent pour se justifier. Le plan final, se voulant aussi fantasmatique que précédemment, ne provoque qu’indifférence gênée, devant la panne d’inspiration totale se ressentant ici à chaque instant.


On espère de tout cœur que Rob saura se reprendre au plus vite, en sortant peut-être de sa zone de confort, car il semble avoir fait le tour en la matière. On reverra « The devil’s rejects » avec nostalgie, en essayant d’oublier l’existence de ce triste opus, car en l’état, la régression artistique a du mal à passer.

micktaylor78
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le 17 nov. 2019

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