La fête de Yuma
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Il suffit souvent de désactiver des lieux communs pour revitaliser un genre : le début de 3h10 pour Yuma en témoigne. Le protagoniste se retrouve en effet relégué au statut de spectateur passif d’un braquage contre lequel il ne peut rien faire, sous les yeux de ses enfants, avant de rentrer chez lui pour constater la dureté de son existence de cowboy dans un paysage ravagé par la sécheresse.
La nécessité, la modestie, la posture de victime (des bandits, du climat), autant d’éléments qui font du personnage un homme dénué du charme que ne cessera de manifester Ben Wade, le grand méchant qu’il va devoir escorter à la gare pour pouvoir espérer une récompense qui pourrait permettre à sa famille de survivre. L’individu, incarné avec brio par Glenn Ford, prend toute la lumière, conduit tous les entretiens (dont une scène de séduction dans un bar assez incroyable, contrepoint très efficace des difficultés conjugales du protagoniste) et se transforme rapidement en tentateur, par une corruption sur laquelle il ne cesse de revenir.
Entièrement rivé à ces deux personnages, le film en devient presque contemplatif, et fonctionne sur le principe du délestage : un à un, les équipiers de Dan déclarent forfait devant le surnombre des complices du criminel qui s’installent à tous les points stratégiques de la rue. L’occupation de l’espace décuple la tension de l’attente, et permet à Dan d’émerger enfin en tant que figure héroïque. Alors qu’il l’était jusqu’à présent par le refus, c’est par l’acharnement à mener sa mission, seul contre tous, et découragé par ses proches (un déséquilibre qui rappelle la dynamique du Train sifflera trois fois), qu’il parvient à devenir un véritable interlocuteur de Ben Wade.
La trajectoire finale est bien entendu un enjeu particulier en terme de mise en scène : la rue est un territoire miné dans lequel chaque angle morts, chaque arbre, toit ou surface cache un assaillant potentiel. Le duel final ne se joue donc pas entre les deux protagonistes, bien au contraire : le couple qu’ils forment est particulièrement ambivalent, puisqu’on en oublierait presque que ces deux hommes se protégeant des balles adverses sont censés être des ennemis.
De la même manière que le début du récit décevait les attentes en termes de portait, le dénouement déplace les enjeux traditionnels : par son bon sens et son acharnement, qui ira jusqu’à sauver le bandit d’une tentative d’assassinat, Dan gagne le respect de son prisonnier. La pluie qui vient récompenser ses bonnes actions est certes un peu de trop, mais qu’elle ne fasse pas oublier les nombreuses qualités de cette fable sous tension.
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le 7 janv. 2018
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