420, Le Film
5.3
420, Le Film

Film de MrPianitza (2020)

Une étrangeté 100% made in Pianitza, le divin chouffin que je suit sur youtube depuis maintenant des années.


Tout d'abord, saluons la profondeur du film et son aspect décalé, qui ose le "méta" a un point que je n'avais jamais vu. Un protagoniste qui s'est vu écarté de la lutte pour le pouvoir va jusqu'à se voir évincé de son propre rôle d'acteur pour devenir spectateur d'un film dont il aurait dû être un des grands protagonistes. C'est pour vous dire. RIP Jean-Charles, petit ange partit trop tôt.


Ce n'est pas tout pour le côté méta, le film se moque constamment de lui-même et de son manque de moyens technique. C'est ce qui lui permet de trouver son équilibre car, tant il est vrai que l'aspect cheap des 420 précédents avait fâcheuse tendance à grandement nuire a l'immersion, ici c'est grâce à l'ironie qu'on reste accroché comme à un fil rouge à cet univers d'une complexité inouïe. Une complexité que je soupçonne même de dépasser son propre créateur (comme Algo avec son Wax ?). Pianitza désarçonne les critiques qu'on pourrait lui faire suite à ces ambiguïtés scénaristiques avec un Wax qui, ironiquement, n'a pas compris toutes les intrigues des personnages qui l'accompagnent, bien qu'il en soit le héros. Les histoires entre les protagonistes sont là pour justifier les conflits, le panache, la vie, pas pour être entièrement "comprise".


Le film parle de la condition humaine moderne, terne, morbide et grégaire, dirigé par des algorithmes. Force est de constater que l'être humain y est mis en valeur, comme une ambiguïté indiscernable, une totalité qui englobe aussi bien une grâce divine qu'une face de ver de terre. J'ose affirmer qu'à travers ses personnages, Pianitza nous livre beaucoup de lui-même : il s'incarne aussi bien dans un personnage de random qui joue à Fortnite que dans un Tza-tza qui fait son possible pour conquérir le monde. Il est complet, à la fois excellent et médiocre, il a pas bien lu Lavandier mais il a bien lu Dostoïevski. Il nous représente ici l'ambivalence d'un homme, ce tocard céleste.


Les Hommes y sont dépeints comme impuissant, mais pas dans une posture pessimiste à la Debord. Il existe une alternative pour eux : devenir "modeleur de réalité", sorte de formule magico-mystique pour définir l'homme qui s'est trouvé, a pris le contrôle de son destin et exerce son influence sur le monde. Une formule incarnée par son créateur et synthétisée dans son film par cette phrase clef : you just have to imagine a world. Avec cette même faculté d'autodétermination, Wax, pion de multinationale, ira jusqu'à vaincre son propre maître pour accomplir sa destinée.


On apprend aussi que l'univers de Pianitza s'inclue lui-même dans la mythologie antique, avec en prime, une réflexion sur les dieux. L'homme qui s'élève au-dessus de ces contemporains a le pouvoir créer des structures et des entités qui l'élèveront au rang de divinités pour les gens du quotidien, les randoms spectators. Il y a aussi un parallèle à faire avec le mythe "matrixien" de l'élu, une personne simple, qui a force de se convaincre elle-même, finira par devenir la pièce maîtresse de l'intrigue (ce qui n'est pas le seul rapprochement qu'on puisse faire avec Matrix).


Le film souffre de quelques faiblesses notamment vers les 3 quarts ou se succèdent les personnages et les péripéties sans vraiment nous donner l'occasion de souffler. Le montage et les choix de découpages sont parfois surprenants. Les plans ne sont pas toujours très bien cadrés, la lumière et l'étalonnage parfois pas très bien calibré, le travail sonore est simple, mais dans cet univers foisonnant, c'est l'amateurisme et le "fait-main"qui fait une grande partie du charme. On assiste bien ici à la plus grande œuvre vidéo de Pianitza. Notons que l'intention première de ce dernier et son film, c'était de pénétrer le grand public. Objectif qu'il n'atteindra pas, je le crains. L'humour reste tout de même très référencé et dans un esprit assez "private joke", ce qui me fait douter qu'il puisse devenir autre chose qu'un film de niche. Puisse l'avenir me donner tort. En tout cas, ça n'est pas, pour moi un point négatif, car ne juge jamais un film sur les intentions première de son réalisateur, mais sûr l'effet qu'il produit. Et c'est une conclusion grandiose pour l'univers des 420. Chapeau l'artiste.


Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce film, mais je ne vous infligerais pas (ainsi qu'à moi-même) beaucoup plus de lignes. J'espère qu'il sera le premier d'une grande série et qu'il est le début d'une grande carrière de réalisateur. Je rêve de voir Pianitza se pencher sur d'autres univers, peut-être un peu plus simples et plus pragmatiques avec les moyens humains et techniques qui sont à sa disposition.


Félicitation pour ton film.


Avec beaucoup d'amour,


Wolfgang

Valentin_K_
8
Écrit par

Créée

le 2 déc. 2020

Critique lue 423 fois

5 j'aime

Valentin_K_

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