Pour son premier long-métrage, Carl Rinsch n'a pas eu de bol : un tournage chaotique, un budget revu à la hausse, des prises de vue retournées, un retard considérable, un évincement lors de la post-production et pour quoi au final ? Pour un chanbara américain foncièrement décomplexé dans la pure tradition des films fantastiques des 80's avec ses combats brutaux, ses créatures féériques et son intrigue cousue de fil blanc.
Car le problème avec 47 Ronin, c'est son traitement, cette histoire classique où des samouraïs renégats cherchent à se venger de leur maître s'étant injustement donné le seppuku étant malheureusement associée à des éléments fantastiques parfois poussifs pour ne pas dire inutiles. De plus, le casting se veut intégralement japonais, avec des figures du cinéma nippon comme Hiroyuki Sanada, Tadanobu Asano, l'inévitable Cary-Hiroyuki Tagawa ainsi que la sublime Rinko Kikuchi, récemment adoptée par l'Occident depuis Pacific Rim.
Et au milieu de tout ce casting, décor et atmosphère typiquement japonais se dresse un Keanu Reeves monolithique, comme perdu dans le film, cherchant à exister dans une histoire où il n'est finalement pas vraiment le héros, du moins pas celui qu'on attendait. Autre point faible : l'ajout d'effets visuels ratés. Apporter des éléments fantastiques à la légende des 47 rônin n'est pas une mauvaise idée, aussi faut-il savoir les disposer. Présenter une sorcière inspirée de Zu - Les Guerriers de la Montagne Magique, c'est bien. Faire affronter Keanu contre un géant en images de synthèse aussi réaliste que le Mister Hyde de Van Helsing, ça l'est moins. Dévoiler sans vergogne un ermite au visage de serpent et un dragon confectionné par un stagiaire tremblant devant Photoshop, c'est de trop.
Carl Rinsch n'est pas l'homme de la situation et ce en dépit de quelques moments de bravoure sympathiques. Sa mise en scène léchée manque pourtant de panache et on se retrouve au final devant un énième blockbuster ricain qui a voulu se la jouer nippon. Son film n'est pas forcément désagréable, il est juste insuffisant. À force de rajouter des petits détails à chaque fois bâclés, Rinsch n'arrive jamais à proposer quelque chose de concis, de limpide, d'attrayant. Plus de sobriété aurait permis à cette adaptation un meilleur résultat, assurément.