L'histoire des 47 rōnin, ou vendetta d'Ako est une histoire vraie que connaissent tous les japonais.
L'histoire:
Au tout début du 18ème siècle, le Shogun maintient la paix dans le Japon depuis plus d'un siècle avec fermeté, grâce à une puissante armée et en gardant près de lui, à sa cour, les grands seigneurs féodaux.
Naganori Asano est un jeune et puissant daïmio du nord du Japon. Elevé en samouraï à la cour d'Ako, il est considéré comme un péquenot à la cour d'Edo (Tokyo). Il est l'objet des railleries des courtisans et plus particulièrement de Yoshinaka Kira, le maître de cérémonies du Shogun. Un jour excédé, il dégaine son katana et blesse Kira. Ce geste est impardonnable à la cour du Shogun. Eu égard à la noblesse de sa famille, à son statut de samouraï et au fait qu'il défendait son honneur, il est condamné à mourir honorablement (sépuku).
Comme il est jeune et encore sans héritier, les samouraïs qui constituent sa garde à Ako (plusieurs centaines) se trouvent sans maître. Désormais, ils sont des ronins. Personne au Japon ne les emploiera. De plus, n'ayant pu sauver leur maître, ils sont déshonorés. Pour retrouver leur honneur, ils doivent venger Asano. Le Shogun et Kira connaissent leur situation et comprennent leur dilemme. Ils les font surveiller. Les ronins savent que venger leur daïmio sera puni de mort.
Ōishi Kuranosuke Yoshio, le chef des samouraïs au palais d'Asano est un admirateur de Sun Tzu (le stratège chinois du VIème siècle av JC), il a lu "l'art de la guerre". Se sachant surveillé, il disperse ses samouraïs à travers tout le Japon et leur ordonne de jouer le désespoir, la déchéance et la dépravation. Mais il reste en contact avec certains d'entre eux. Pendant ce temps, il envoie des espions étudier les défenses de la forteresse de Kira à Edo, malheureusement située à proximité immédiate d'un casernement de troupes du Shogun. Après plus de deux ans, la surveillance dont ils sont l'objet est moins tendue. 47 d'entre eux se retrouvent et signent un pacte avec leur sang.
Le 14 Décembre 1702, ils attaquent la forteresse de Kira défendue par plusieurs centaines de gardes. Ils capturent Kira et l'exécutent après qu'il ait renoncé au sépuku. Ils déposent sa tête sur la tombe de leur maître, comme l'exige la tradition, puis se rendent au Shogun.
Le Shogun les condamne à mort, mais considérant qu'ils ont respecté le bushido (code des samouraïs), il les autorise à mourir honorablement. Le 4 Février 1703, ils se font tous sépuku.
Aujourd'hui encore, les japonais vont se recueillir sur les tombes des 47 ronins. Les officiers japonais de la deuxième guerre mondiale étaient nourris de cette histoire.
Le film:
Il s'agit d'un drame d'honneur de la culture japonaise. En surajoutant à cette histoire guerrière, des mythes plus ou moins japonais sans rapport, Carl Erik Rinsch, concocte une aventure de super héros confrontés aux forces du mal, typiquement hollywoodienne. Il y ajoute même un personnage de "sang mêlé", joué par Keanu Reeves pour permettre aux spectateurs américains de s'identifier au héros. Le fantastique (fantômes, sorcière, dragon, super pouvoirs, etc...) détourne le spectateur du dilemme héroïque des personnages.
Ce faisant, il dénature complètement une tragédie puissante qui aurait pu inspirer un Racine, un Shakespeare ou un Corneille, qui mettaient la mythologie et le fantastique au service du drame et non l'inverse. Le spectacle devient purement formel et se détache de la tragédie.
C'est du gâchis.
NB: l'acteur qui joue Kira se nomme Asano. Ca vaut bien un point, non?