5 hectares
4.7
5 hectares

Film de Émilie Deleuze (2023)

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Cette critique sera, à l'image du film, plutôt vide.

Le scénario n'a rien de plus simple : un couple de parisiens qui viennent d'acheter des terres à la campagne et sont contraints à la promiscuité. Le mari entêté est persuadé qu'il peut imiter les activités rurales tandis que sa femme est dans l'incompréhension de ce comportement et vacille entre s'y opposer ou y participer. La confrontation entre les citadins et les ruraux est rude mais une voie d'entente peut exister.

Le film amène alors à l'analyse du rapport humain, l'ambivalence financière et technique de deux mondes qui s'opposent. D'un côté les prés, l'agriculture, la gestion des vaches, le serrage de main et l'arrangement - donc le primaire. De l'autre les chiffres, l'analyse, la gestion de données, la signature de contrats et l'application des promesses - donc le secondaire et le tertiaire. Le rapport à l'étrange est un thème classique à aborder dans un film mais toujours efficace.

Il peut de plus s'intéresser aux conflictualités relationnelles d'un couple ou l'un cède difficilement face au défi et l'autre est absente parfois jusqu'à 5 jours dans la semaine pour son boulot.

Mais 5 hectares n'apporte rien de tout cela, ce n'est ni une sensation, ni un passage, ni une découverte et encore moins une réflexion. L'intrigue est de savoir si oui ou non son voisin Michel va laisser tranquille Franck à propos de son champ.

Les sujets principaux sont bâclés par une réalisation médiocre où l'on ne prend pas soin du décor de la riche campagne française et encore moins du jeu des acteurs qui se voient presque obligés de sur-interpréter pour affirmer leur présence. Le "de la comédie française" qu'on associe à Marina Hands dès le générique n'a plus une aura honorifique mais disgracieuse tant ses répliques sont rasoirs et ses expressions corporelles sont inusuelles. Lambert Wilson prend le même tarif mais il peut s'estimer heureux de posséder cette voix suave et grave qui correspond plutôt bien à l'atmosphère du pré, la pesanteur campagnarde et ce que l'on imaginerais du ton d'un Marcel Proust récitant ses vers au bord d'une rivière.

La maîtrise du son n'est pas maîtrisée. La finesse auditive du bruit des grillons n'est pas fine. L'utilisation des musiques n'est pas utile (on pensera à cette scène où Franck prend sur son tracteur un auto-stoppeur, leur discussion sera alors absolument inaudible à cause du bruit du moteur et de la musique extradiégétique mal-proportionnée).

L'enjeu du film est trop disparate, Émilie Deleuze semble nous faire les louanges de la biodiversité (aussi bien biologique que sociale) française sans pour autant totalement s'approprier la scène où elle se trouve. Si l'utilisation des musiques sert à cacher l'enchevêtrement mal-foutu de scènes bouches-trou, on notifiera que ces musiques sont à plus de 80% anglophones, plus alléchantes à l'oreille certes mais quand il s'agit d'un tableau de la ruralité de la France... autant appelé le film "5 acre".

Comme dit précédemment, le métrage n'apporte rien. Les situations sont trop peu naturelles, les péripéties et les solutions de même :

  • Deux hommes mangent de leur côté, se parlent puis se frappent le tout en l'espace de trois minutes.
  • Franck, homme marié, crève son pneu, parvient miraculeusement à trouver une ferme non loin, se fait aider par une femme mariée pour changer le pneu, baise immédiate.
  • Tout simplement la relation Franck-Michel.
  • Le procès-verbal est invraisemblable.
  • Bon vous avez compris.

Pour ce qui est de l'aspect humoristique, j'avoue avoir oublié durant la séance qu'il s'agissait d'une comédie, et m'en être rappelé seulement lorsque j'ai vu la mention en dessous de l'espace pour noter le film. Mes voisins de salles pourront témoigner de la même expérience. Hormis quelques situations qui, par leur effet de surprise, viennent nous voler certains rictus, les scènes comiques ne le sont pas. Cette façon de filmer le visage outré d'un personnage juste après qu'il ai entendu une réplique inhabituelle ne marche tout simplement pas. Mais sur ce point il faut rester tout de même indulgent, le silence humoristique est une science qui requiert de lourdes connaissances.

Non le film n'est pas intéressant. Oui c'est de l'argent foutu en l'air. Non il ne faut pas inciter à la réalisation de navet de la sorte. Oui l'exception culturelle française existe, la preuve avec le genre de film auquel elle donne une chance.

PabloEscrobar
3
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le 1 janv. 2024

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PabloEscrobar

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