Imaginez vous un instant être dans la peau de Coriolanus Snow.

Un jeune adulte intrépide et ambitieux, le visage doux aux bouclettes dorées, sociable avec la Haute jusqu'à fréquenter le fils du président, héritier de la renommée d'un père général, étudiant prodige jamais absent et excellant dans toutes les matières depuis 10 ans, jalousé de ses semblables car voué à remporter tout les honneurs... Et c'est alors... à vous qu'on inculque depuis la tendre enfance le principe de supériorité sur les districts, à vous dont on a conté un nombre incalculable de fois les méfaits et la culpabilité de ceux qui ont osés un jour se révolter contre le Capitole, à vous qui êtes placé prioritaire pour diriger une civilisation en reconstruction, vous que l'on connaîtra plus tard comme le sans-cœur et impitoyable leader Snow... que vous tombez sous le charme d'une chanteuse inconnue provenant du plus pauvre et méprisé district de Panem.

S'agit-t-il alors d'une réaction révélatrice que l'amour est un sentiment unique qui surplombe tous les éléments de la vie pour faire de deux âmes fusionnelles un seul et même corps !?!

La réponse est non, du moins on cherche à vous faire croire que ça l'est. Voilà seulement une facilité scénaristique dissimulée, la présentation d'un amour disneysque (ce mot existe bien entendu) où le valeureux prince charmant offre encore des roses et la princesse sans défense qui vie dans la misère se démarque par le soin qu'elle porte à sa jolie robe... (je fais donc une double accusation ! Contre le film et contre le livre, quel toupet.)

Bien sûr cela on ne vous le balance pas directement à la tronche, on le dissimule stratégiquement.

On rend la princesse atypique par une caractéristique : sa douce voix, son accoutrement, son impudence ou encore son amitié avec les reptiles. Mais on oublie pas de lui rappeler directement que ce n'est pas son rôle d'être la sauveuse : une gifle dès sa 1ère apparition puis un ensemble de remarques péjoratives, même de la part de son bien-aimé, la décrivant comme inéligible à la victoire.

Le prince lui on le dorlote, il est intelligent et prometteur mais s'extrait des conventions par une touche de sensibilité. Alors pas trop bien sûr sinon ça collerait pas avec ce que va devenir le personnage, donc on lui rajoute un compagnon (Sejanus) qui est radicalement empathique comme ça quand Corolianus fera preuve d'humanité on la fusionnera à l'amitié. Et puis au cas où il est trop sage on lui rajoute quelques scènes de pétages de plombs inexpliquées : pas bête, on prend pas de risques !

L'actrice de Lucy Gray a une magnifique voix c'est indiscutable, d'ailleurs vous n'avez pas vraiment la possibilité de discuter ce fait étant donné que le film vous imposera pas moins de 8 fois sa douce mélodie orale. À la vue des réactions de mes chers voisins de salle je dois aussi dire que c'est durant ces seules scènes musicales que l'audimat semblait complètement emporté par ce qu'il vît, enfin plutôt ce qu'il entendit. Cela s'explique probablement, pour ceux qui sont attachés à cette franchise en tout cas, par la présence de L'arbre du Pendu, un titre déjà chanté par Katniss Everdeen dans les 1ers films et de Can't Catch Me Now chanté et posté sur YouTube par Olivia Rodrigo (aussi connue en tant que jeune Popstar) il y a de ça 3 ans. Compliqué de faire plus nostalgique c'est clair ! Néanmoins, l'utilisation de ces scènes folkloriques et dansantes révèle elle aussi d'une facilité scénaristique (un aspect que j'explique plus en détail dans ma critique sur la série The continental).

Pour ce qui est de la décomposition du récit en plusieurs parties, il faut avouer que le principe marche plutôt bien avec un agencement qui nous rappellerait presque les plus grands métrages ayant foulés cette Terre (à vous de les trouver ;). Cependant, la troisième partie "Le pacificateur" semble nuire au rythme plus qu'autres choses. Contrairement aux autres films de la saga, l'apogée (autrement dit ici, la fin) ne se retrouve pas dans la victoire tant attendue des Hunger Games mais dans la pseudo-rédemption recherchée par le personnage principal qui se verra finalement être un échec, étant vite rattrapé par l'appel du pouvoir. Seulement ce procédé ne marche pas et dans le visionnage de ce film, du haut de ses 2h40, on ressent plus la sensation d'être passé à l'épisode suivant de notre série que d'avoir entamé la troisième et dernière partie du film, faute au changement de rythme assez cru assurément.

Hunger Games : La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur (pensée à ceux qui, pour une quelconque raison, devraient écrire ce titre plusieurs fois, je vous conseille l'abréviation "HG:LBD..." oulah... non, finalement plutôt "Hunger Games : les prémices de Snow", ou mieux encore "Hunger Games 5") n'est donc pas une réussite, mais pas un échec cuisant non plus. Malgré sa simplicité et ses incohérences (notamment au niveau des relations intra-personnages) il faut admettre que le film a du bon dans son analyse du pouvoir et de la dominance d'un régime ploutocratique, mais aussi dans ses scènes de combats qui promettent assurément un dose de frissons.

Il y a une facilité de jugement quand on a le cul tranquillement planté derrière son écran je vous l'accorde volontiers, mais quid de la création d'un scénario viable quand, après avoir généré un total de 2,9 milliards de dollars sur l'ensemble des 4 opus, on se repose sur ses acquis avec un budget de 100 millions de dollars dans la conception d'un antépisode de la sorte?

Je drop le mic et, ayant suffisamment diverti la plèbe, je retourne me coucher dans mon lit en ivoire, en haut de la plus haute chambre de la plus haute tour du Capitole.

PabloEscrobar
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le 15 nov. 2023

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PabloEscrobar

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