Merci à l'équipe de CinéSériesMag de m'avoir permis la découverte cette surprenante production venu tout droit du Paraguay. Et merci à l'éditeur dvd de sortir des sentiers battus en nous proposant ces pépites du cinéma mondial, qui sont autant d'ouvertures à des écritures cosmopolites pas ou peu connus dans l'hexagone. Nous pouvons ainsi acquérir une certaine connaissance d'autres cultures qui nous seraient difficilement accessible autrement.

Excellente surprise donc que ce film paraguayen qui nous renseigne avec vigueur sur le délabrement socio-politique de ce pays d’Amérique du sud. Moins visible que ses compères argentins, brésiliens, uruguayens et autres poids lourds du continent sa relative stabilité l'épargne des crises qui secouent ces nations. Et pourtant...........
Car ce que nous disent les réalisateurs sur l'iniquité économique qui le gangrène n'est pas des plus rassurants. Victor, ce jeune garçon qui se voit confier une livraison dont il n'a aucune idée du contenu, semble faire contrepoint à ces enfants délaissés dont la rue est possiblement l'unique issue de secours pour survivre. Ne pas (se) poser de questions et tracer sa route sans se retourner peut alors constituer la devise d'habitants en survie permanente. Qu'il y soit accompagné par sa secrète passion amoureuse et un ami cleptomane accrédite la thèse d'une jeunesse laissée à l’abandon. Ce n'est malheureusement pas l'unique tare d'un gouvernement trop affairé à s'enrichir par l'expropriation et l'exploitation de sa culture Guarani et ses nombreuses ressources naturelles.

A la croisée d'un périple au long cours, s'ajoute la déshérence sociale qui voit ses nombreux citadins obliger de recourir au racket, voir au meurtre s'il en est besoin, pour subvenir aux besoins médicaux de familles isolées. Ou quand l'impérial besoin vital s’accommode tant bien que mal d'une morale mafieuse. Le constat d'une lutte parricide qui oblige les classes sociales les plus défavorisées à s'entretuer pour exister est accablant. Ce n'est plus une lutte des classes qui conduirait à plus d'équilibre, mais une extermination intracommunautaire. La police, comme souvent dans pareil cas, est au mieux impuissante et au pire complice d'un système qui lui assure sa pérennité.

Quel meilleur symbole que ce représentant de L’État de mèche avec les narcotrafiquants pour situer l'ampleur de son déchargement institutionnel? L'intrigue est d'autant plus cruelle qu'elle accentue ce déséquilibre en figurant le quiproquos de départ pour laisser dos à dos un peuple qui ne sait se parler et se comprendre. En effet, le contenu de ces sept boites de livraison n'est pas ce que chacun des protagonistes pense qu'elle soit. En découle alors toute une narration sec et tendue qui illustre parfaitement ce malentendu.

L'odeur de l'argent sale va de pair avec celle du sang versé, prélude à une loi du talion aux conséquences bien faucheuses. Tous s'y embourbent avec plus ou moins d’appétit, révélant ainsi la paranoïa ambiante relative à toute narcodémocratie. Il faut alors impérativement parler de la mise en scène. Les deux auteurs, surement nourris aux séries américaines type "24 heures chronos" ou "The Shield", empoignent les caméras avec entrain et nourrissent certaines séquences d'un rythme frénétique qui sied bien à la temporalité du film. Zoom panoramique, gros plan serré et décadrage nous entrainent avec excitation dans ce labyrinthe.

Fatiguant à la longue mais on ne pensait pas voir ce type d'effets élaborés de ce cote ci de la planète. Pourtant le plus étonnant demeure dans la mise en abyme de la force de l'image. Dans un effet de miroir inattendu, les personnages ne cessent de se filmer et ce, quelque soit les circonstances. Comme si le mirage du voyeurisme était partie prenante du désenchantement moral et qu'ils ne pouvaient exister que par la grâce de leur reflet médiatique. C'est le sens que l'on pourrait donner à ces passages ou le gamin regarde, obnubilé, la télévision qui diffuse des inepties et ou les adultes découvrent, émerveillés, le nouveau téléphone portable nouvelle génération qui prend nombre de photos et de vidéos. Et le drame final ne dit pas autre chose: sitôt épargné par la mort, l'enfant se mire avec jubilation dans l'appareil cathodique de l’hôpital ou passe en boucle son surci. La célébrité, derniers recours contre la misérable existence des parvenus, triste de lot de consolation!

Créée

le 13 mars 2015

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