Dans les années 50 à la veille de Noël, on se prépare à fêter cet évènement comme il se doit. Mais le maitre de maison est retrouvé assassiné avec un couteau dans le dos. Laquelle des 8 femmes a pu le tuer....
François Ozon adapte, avec Marina De Van, la pièce de théâtre éponyme de Robert Thomas. Et il fait un magnifique cadeau à ses actrices.
C'est sans doute la première fois que l'on voit un film sans aucun homme en dehors du mort que l'on aperçoit seulement de dos. On peut déjà, quoique l'on pense des 8 femmes, applaudir l'audace.
Le mort sert de prétexte à un vrai règlement de compte familial où tout le monde déballe sur tout le monde et le spectateur va vite se rendre compte qu'elles avaient toutes une raison de tuer Monsieur. Et l'on assiste à une formidable galerie de portraits:
- Gaby (Catherine Deneuve), la femme vénale, froide et stricte du mort qui ne pense qu'à l'argent.
- Augustine (Isabelle Huppert) qui est une vieille fille aigrie hypocondriaque maniérée et médisante qui est la cible favorite de sa soeur Gaby.
- Mamy (Danielle Darrieux) qui a l'apparence d'une femme sympathique et douce dont on va découvrir qu'elle est avare et alcoolique sans compter qu'elle cache un gros secret familial...
- Pierrette (Fanny Ardant) qui est la soeur de la victime. elle est une femme vénale à la vie libertine.
- Suzon (Virginie Ledoyen) est la file ainée de Marcel. Elle est une jeune fille modèle et celle qui cherche à préserver la paix dans ces disputes. Mais on apprendra certains faits qui font qu'elle avait une excellente raison de tuer le maitre de maison...
-Catherine (Ludivine Sagnier) est la fille cadette et soeur de Suzon. Elle est insolente et paresseuse mais aussi la chouchoute de son père...
- Madame Chanel (Firmine Richard) est la gouvernante, cuisinière et nourrice de Suzon et Catherine. C'est une femme souriante, dévouée et tendre qui cache elle aussi des secrets...
-Louise (Emmanuelle Béart) est la femme de chambre dévouée à Gaby. Sous ses apparences introvertis se cache une femme incisive avec un secret que l'on découvrira assez rapidement si on est attentif...
Ozon signe un film sur la famille (et ses secrets !) mais aussi sur les moeurs et la tolérance sans trop en dire.
Mais on peut y voir une double lecture : un véritable hommage au cinéma à travers le casting.
Danielle Darrieux n'est autre que la marraine de cinéma de Catherine Deneuve donc la voir être sa mère est une excellente idée. Isabelle Huppert et Virginie Ledoyen s'étaient déjà croisés dans "La cérémonie" de Chabrol dans lequel Virginie Ledoyen jouait déjà une jeune fille à l'apparence bienveillante dans une drôle de famille. Voir Catherine Deneuve et Fanny Ardant ensemble fait évidemment penser à François Truffaut. Et la photo de Romy Schneider dans la poche de celle d' Emmanuelle Béart est un magnifique clin d'oeil à Claude Sautet dont elles ont été la "muse" . Et puis voir Catherine Deneuve danser et chanter rappelle Jacques Demy.
François Ozon est au sommet de son art. Par exemple quand un de personnages dit que Marcel aimait les jeunes femmes , sa caméra montre le visage d' Emmanuelle Béart et le spectateur comprend d'emblée qu'elle avait une liaison avec le défunt sans que cela ne soit dit.
Les actrices sont toutes géniales et ont toutes leurs chansons qui permet à Ozon de les mettre en avant. J'ai une petite préférence, et cela n'engage que moi évidemment, pour Isabelle Huppert capable de passer de la folie à la fragilité avec une facilité déconcertante. Et Fanny Ardant. Dès qu'elle apparait, l'action s'accélère et surtout elle a une incroyable présence animale...
"8 femmes" sera un gros succès critique et public (plus de 3 millions 500 000 entrées) même si sur ce site il est moyennement vu comme la plupart des films de Ozon....
Le film est , en dehors d'ici, considéré comme un classique du genre mélangeant comédie musicale et film policier à la Agatha Christie. Un film jubilatoire jusqu'au final surprenant émouvant.