Toshiaki Toyoda est de ces personnalités qui se racontent avec leurs films, qui parviennent à toucher avec vigueur les spectateurs réceptifs à leur univers. Après les deux cinglants uppercuts que furent Pornostar et Blue Spring, il signe avec 9 souls un film non seulement émouvant et singulier, mais également formellement très travaillé. Marqué par des ruptures de style incessantes, le jeune cinéaste compose une véritable oeuvre transgenre, qui s'approprie les codes du film de prison, du thriller, de la comédie, du road trip ou encore de la poésie. Ce nouveau hurlement visuel du réalisateur, instable concentré d'émotions, marque les coeurs en fin de séance.
Pendant près de 2h, après s'être attaché à cette bande de 9 salopards, pourtant tous à l'origine de crimes assez sordides, c'est touché par ce qui leur arrive qu'on les quitte à regret. A travers eux, Toshiaki Toyoda livre son amère vision d'une société moderne où l'isolement et l'individualisme n'offrent que peu de place à la marginalité. Chacune de ces 9 souls semble dépassée par la vie, totalement inapte à en profiter. Cette liberté soudaine qui s'offre à elles est l'occasion de faire table rase du passé et de se lancer dans une quête de rédemption qui prendra la forme de différents chemins selon les tempéraments. Si certains, bien conscients de ce qu'ils ont fait,ne se font guère d'illusion quant à un éventuel pardon, d'autres, la tête dans le sable, espèrent retrouver leur vie antérieure. Un refus de la réalité qui ne conduit qu'à une seule issue possible : peu glamour, elle occupe tout le final et vient contraster farouchement avec la mélancolie ambiante qui habitait l'image jusqu'alors au moyen d'une violence brutale, à l'impact rageur parce qu'elle est plutôt inattendue.
9 souls est un film qui se mérite. Lent et contemplatif dans sa première partie, phase nécessaire pour introduire tous les personnages en présence et leur donner de l'ampleur, acharné et sans concession dans son final, il saura récompenser les âmes réceptives qui seront parvenues à rassembler les métaphores que sème Toshiaki Toyoda afin de construire l'émotion qui caractérise son dénouement fait d'une subtile alliance de poésie, d'inspiration et de maîtrise.
On finit 9 souls avec un petit pincement au coeur, touché de plein fouet par tous ces destins hors normes pourtant racontés si simplement.