Kim Jee-Woon est devenu un des emblèmes du nouveau cinéma coréen avec le film d’épouvante Deux sœurs. Deux ans plus tard, il s’invite sur les terres du film noir et de gangster. Dans A Bittersweet Life, tous les codes de genre sont de la partie et Kim Jee-Woon, auteur éclectique et virtuose, prend plaisir à les aligner avec grâce et précision.
Il semble aussi s’amuser à les torpiller, à rendre toute l’essence de ces deux genres banale. Se déroule un concert mélancolique serein, une tragédie posée, compulsivement futile et superbe, tout en se permettant des pointes d’ironie acides. Le scénario est allégé et opportuniste (Sun Woo sait toujours où retrouver ses adversaires), la route aplanie (la fille est fade et sert de prétexte à ce beau déploiement et ces pseudo-sentiments). Kim Jee-Woon apparaît comme un formaliste malicieux et blasé à la fois. Le fatalisme de A Bittersweet Life est romantique cependant.
Le film se donne comme un conte adulte refusant théoriquement mensonge et possibilités d’embellissement, sans renoncer à l’agrément narcissique qu’il assume via une inflation cartoonesque dans le classicisme. Il raconte cette histoire désenchantée d’un homme soudain seul face au système pour lequel il s’est dévoué. Lâché, trahi par son unique cadre de référence au moment où il se sentait enfin ouvert à une perspective supérieure : le mort-vivant omnipotent, le petit marquis prestigieux, avait découvert l’amour. Là où il ne fallait pas. Or le temps lui échappe, alors le songe justifie l’exercice de style et les outrances spectaculaires, donc des bagarres seul contre tous dignes de Old Boy.
Œuvre élégante : c’est acquis. Elle ne l’est pas seulement par le contexte (univers du luxe et de la pègre), mais également par se mise en scène très étudiée, raffinée et millimétrée. Elle l’est enfin par cette combinaison singulière de pudeur et de violence sèche, de sophistication et de résignation vitale, que Kim Jee-Woon a réaffirmé dans J’ai rencontré le Diable. Lui aussi sera vain et pourtant enchanteur, mais plus stimulant car en chemin, les embûches seront autrement féroces.
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