Chronique amère et désabusée sur le sort des femmes en général, soumises à l'autorité masculine comme à une fatalité inexorable, à travers l'histoire particulière d'un groupe de prostituées à Rome pendant les années 60. Pourtant, bien que le constat de Pietrangeli se révèle pessimiste quant à la liberté des femmes, celles-ci n'en jouissent pas moins de leur vie auxquelles elles cherchent une issue dans le rire frivole et l'espoir inébranlable d'une rédemption.
Tout comme dans Je la connaissais bien qui lui est postérieur, Pietrangeli s'entoure d'une fine équipe (la crème de la crème de l'époque, c'est-à-dire l'âge d'or du cinéma italien) pour réaliser cet excellent Adua et ses compagnes. A commencer par A. Nannuzzi, le photographe et Ruzzolini, le cadreur, qui à deux rendent un travail à l'esthétique très soignée, déjà un peu pop dans le style - surtout grâce aux costumes de Donati (deux Oscar à lui tout seul) - d'une grande élégance visuelle comme dans la maison close où ils restituent une ambiance à la Ingres dans les bains turcs en récréant leurs odalisques. Soulignons par ailleurs l'apport notable du compositeur Piccioni, se fondant parfaitement avec ses variations jazzy aux évolutions sentimentales des personnages et à la densité dramatique de leurs événèments. Enfin, rendons louange au scénario auquel collaborent – déjà - Ettore Scola et Tullio Pinelli, d'une écriture très subtile, profonde et plus complexe qu'elle ne le semble, le tout accompagné des dialogues tonitruants de Pietrangeli lui-même venant dédramatiser une histoire construite à la base sur une tragédie sociale mais traitée avec une fausse et coupable légèreté.
Même si la force visuelle et verbale s'estompe progressivement, la réflexion sur la place de la femme dans la société de l'époque gagne, elle, en profondeur dans la deuxième partie du film et montre comment il serait possible de s'affranchir du joug de l'homme en travaillant de ses propres mains, quitte à transpirer et souffrir un peu. Néanmoins, le point de vue de Pietrangeli, cruel et sans espoir, vient annuler ses louables et justes ambitions à une époque où la femme n'avait le choix qu'entre être fille de ses parents et femme de son mari, ou bien être jugée comme une putain.