J’adore le Alice au pays des merveilles de Walt Disney, de très loin mon Disney préféré et l'un de mes films d'animation préféré de tous les temps. Je me souviens encore tout l'émerveillement que j'ai ressenti la première fois que je l'ai vu, un soir de Noël ou de réveillon alors que je n'avais que 7 ou 8 ans. Alice erre dans un monde si étrange avec des personnages complètements loufoques qui l'emmènent dans des situations toujours surprenantes et inattendues, tellement inattendues qu’on ne sait jamais ce qui va se passer ensuite. A chaque instant, on se demande comment va-t-elle se sortir de ce nouveau pétrin, dans lequel elle tombe de façon involontaire et bien souvent aggravé par ses propres faits.
Si vous vous attendiez à une réadaptation du film d'animation de 1951, vous serez déçu car il s'agit là d'une suite (plus de 50 ans après) avec pleins de références au grand classique de Walt Disney. Alice Kingsley (Mia Wasikowska) est, à son insu, en route pour l'inauguration de ses fiançailles. Il s’avère que c’est la fameuse Alice qui, 13 ans plus tôt, s’était aventurée au pays des merveilles. Il y a sûrement de bonne raisons pour la ramener dans ce monde imaginaire, me direz-vous ? Bah non, elle ressentait simplement l’envie de chasser un lapin qui cherchait lui-même à accomplir une prophétie. Et donc, Alice retourne dans ce monde imaginaire plein de fantaisies et d'absurdités. Elle y retrouve donc le Lapin Blanc, la Chenille, le Chat du Cheshire, la Reine Rouge (Helena Bonham Carter) et bien entendu le Chapelier Fou (Johnny Depp). Alice doit alors accomplir sa prophétie, mettre fin au règne de terreur de la Reine Rouge.
Nous proposer Alice au Pays des Merveilles revisité par Tim Burton, ça sonnait comme une évidence. Malheureusement, l'alchimie ne prend jamais et ne peut pas être forcée. Cette Alice n’est pas un film de Tim Burton et la magie n’est pas au rendez-vous. C’est une Alice triste de 19 ans, dont les souvenirs d’enfance se sont depuis bien longtemps évaporés. La Alice que nous connaissions, une enfant joyeuse et enjouée, se morfond maintenant à l'orée de l'âge adulte ... l'émerveillement a laissé la place au désenchantement. Enfant, elle avait fait de ce monde son "Wonderland", mais la réalité est plus sombre et l'émerveillement a complètement disparu. Moi qui m'attendais à un film complètement débridé et à des situations les plus absurdes, dérangeantes et décalées, je me retrouve face à un produit Disney ultra calibré, totalement guindé, sans ligne directrice ni fantaisie ... un comble pour un conte fantastique.
C’est du Disney des années 2000/2010, c’est donc chargé en CGI sur fonds verts. Tout est bien calibré, bien penser pour que rien de déborde. C'est à se demander si le réalisateur Tim Burton a son mot à dire dans tout ça. Je me souviens pourtant d’une époque où sa vision n’était pas entravée par les concepts des autres, une époque où ses films étaient si originaux qu'on ne pouvait les comparer à rien d'autre. Mais voilà, depuis deux décennies, il est malheureusement coincé dans les limbes des reboot et autres remakes.
Entre les rêves qui permettent tout et n'importe quoi et une prophétie trop attendue, le manque d’enjeux se fait cruellement ressentir. On s'ennuie très vite devant ce spectacle très lisse, d’autant plus que le monde imaginaire que nous découvrons en compagnie d'Alice est d’une laideur confondante. La direction artistique est aux fraises, les couleurs sont criardes et les décors sont surchargés de détails, au point où on ne distingue plus rien dans tout ça. Mais le pire ce sont les trucages numériques omniprésents, sachant que 99% de ce que vous voyez dans le pays des merveilles est du 100% images de synthèses. Du coup tout parait artificiel, mis à part le service à thé et le déco de table du Chapelier Fou, qui est justement le seul décor "en dure" du monde imaginaire.
Pour une fille qui ne se souvient de rien, Alice n’est jamais surprise. Elle voit des créatures géantes, elle rétrécit, vole sur un chapeau, le tout sans exprimer la moindre émotion, ni peur ni étonnement. La première personne à blâmer serait Tim Burton, car Mia Wasikowska manquait d’expérience dans un rôle de premier plan. Je me demande encore ce qui lui est passé par la tête, quand elle a décidé de jouer une Alice totalement blasée par tout ce qui l'entoure. En dehors des dix dernières minutes, elle est l’antithèse du personnage. Nous proposer une Alice opprimée dans un monde qui se veut magnifique, c'est totalement contre-intuitif.
Et puis il y a Johnny Depp qui fait son truc. Sa vision du Chapelier fou est une combinaison d’autres personnages précédemment interprétés par lui-même. On pense tout de suite à Willy Wonka et à Jack Sparrow, mais ici version victorienne avec son chapeau haut de forme et sous ecstasy. Avec le Chapelier, il a carte blanche pour faire tout et n’importe quoi et il s'en donne donc à cœur joie. Peu importe qu’il soit possédé par un Écossais, Johnny Depp fait du Johnny Depp et donc ça doit être grandiose ! Plus amusants sont Helena Bonham Carter et Crispin Glover, bien plus sobre dans leur jeu, bien que d'une sobriété toute relative.
Quant à la Reine Blanche (Anne Hathaway), elle avait le potentiel pour être l’élément intriguant du film. Je suppose que son rôle est d’assumer le pouvoir au cas où sa sœur se verrait détrônée. Mais pour un personnage qui parle de grand enjeux et de paix, elle se contente de préparer une potion de sorcières pour ramener Alice à sa taille normale. Bien qu’elle prétend à plusieurs reprises vouloir représenter le bien, je n’en ai vu aucune preuve. Elle n'a aucune incidence sur les évènements, c'est un personnage qui reste en permanence au second plan. Et l'interprétation très lisse du personnage par Anne Hathaway, n'aide pas non plus.
Alice est peut-être le personnage ayant le rôle-titre du film, mais elle n'est jamais en tête d'affiche et toute la promotion s'est faite autour de Johnny Depp. Jamais Tim Burton ne parvient pas à en faire le personnage principal de son film, probablement influencé par les têtes dirigeantes de Disney qui voyaient en Johnny Depp la force de vente majeure du film. Alors contraint et forcé, Tim Burton le laisse faire son show, pour le meilleur et pour le pire, surtout pour le pire ... le film se terminant sur un Jack Sparrow en habit du carnaval qui danse le breakdance.
Bref, le Alice au pays des merveilles de Walt Disney est une aventure incroyable et exaltante, tout ce que le film de Tim Burton n'est pas.