Le cercle rouge est le douzième et avant dernier film de JP Melville et c'est un film que beaucoup considèrent encore aujourd'hui comme son chef d'œuvre absolu. C'est aussi un film qui a marqué les esprits, notamment pour avoir offert son dernier grand rôle à Bourvil et pour le coup un rôle 100% sérieux.
Le chef de police Matteï (Bourvil) est chargé de convoyer par train le détenu Vogel (Gian-Maria Volonté), mais ce dernier parvient à s’enfuir. Le hasard va alors le mener sur le chemin de Corey (Alain Delon) qui, après sa sortie de prison, prépare un braquage. Pour mener à bien ce braquage d'une d’une joaillerie place Vendôme, Vogel et Corey sont rejoins par Jansen (Yves Montand), un ancien policier alcoolique et tireur d'élite.
Ce qui frappe d'emblée avec Le Cercle rouge, c'est l'économie des mots. Certaines séquences, de très longues séquences (le train et le braquage) sont totalement dépourvus de tout dialogue. Mais lorsque les personnages parlent, ce n'est jamais pour ne rien dire. Les dialogues sont donc peu nombreux, mais ils sont toujours précis et percutants et servent à faire avancer le récit. C'est donc un film qui se raconte d'abord par l'image et s'il y a bien un domaine dans lequel Melville brille de mille feux, c'est bien dans la maitrise de l'image. La direction et la mise en scène se marient à la perfection, chaque décor et chaque plan étant minutieusement préparé et exécuté. Le chemin parcouru depuis son premier polar Bob le flambeur est manifeste ici. C'est une longue maturation de 15 ans qui a permis à Melville de parfaire sa mise en scène et son style. Le cercle Rouge apparait donc comme un film somme, il a tout mis dedans.
Le casting impressionne avec le trio de truands interprétés par Alain Delon au sortir du Samouraï, l'italien Gian Maria Volontè et le monstre sacré du cinéma français Yves Montant, ainsi que la troisième tête d'affiche Bourvil en chef de police. On retrouve également Paul Crauchet, fidèle comparse de Melville, dans un second rôle là "une fois encore" marquant, malgré son faible temps de présence à l'écran. Yves Montand ne débarque dans ce long, très long métrage (2h20) qu'après 1h00 de film, mais alors quelle entrée percutante (une scène de cauchemar psychédélique). Tous les personnages remplissent une fonction dans ce récit, on ne sait pas grand chose d'eux (de leur vie privée) si ce n'est leur rôle dans le milieu des truands ou dans la police.
C'est donc un film très froid, peu de dialogues et des personnages à peine esquissés, un film qui ne suscite que peu voir pas du tout d'empathie pour ses personnages. Et puis c'est un film de bonhommes fait pas des bonhommes pour des bonhommes. Les rôles féminins se comptent sur les doigts d'une seule main (trois si je ne me trompe pas) et aucun personnage féminin n'a le droit à la parole ni à le moindre gros plan, mis à part une seule très symbolique avec la rose rouge offerte à Alain Delon (rouge comme le cercle et ce n'est pas une coïncidence). Il y a aussi une scène marquante dans un billard avec l'embout de la queue du billard qui est rouge, encore une fois, et s'ensuit la première scène violente du film. A chaque fois que la couleur rouge apparait à l'écran, c'est annonciateur d'un élément crucial qui va donner un tournant important au récit.
Bref, Le Cercle Rouge a les qualités de ses défauts, un film qui ne laisse rien au hasard et extrêmement maitrisé, mais qui manque de fraicheur et d'humanité (l'antithèse de Bob le flambeur) selon moi. Melville signe malgré tout ici, une fois encore, un chef-d'œuvre du film de genre, à l'écriture ciselé, à la mécanique du récit huilée, à la mise en scène inventive, à la direction artistique impeccable et au montage d'une précision académique … résultat, un nouveau sommet du film policier et de braquage.