Chaque fois que je regarde ce chef d'œuvre, je suis épaté par son incroyable maîtrise. Tout y est réussi. C'est vraiment le sommet de l'œuvre de Melville (cinéaste peut-être inégal, parfois ennuyeux, mais auteur de quelques perles comme Le Samouraï, Le Deuxième souffle ou L'Armée des ombres) et un des sommets du cinéma français en général.
Le scénario est impeccable. Tous les événements s'enchaînent avec une absolue nécessité, voire même une certaine fatalité. Le titre et la référence qui s'y raccroche appartiennent au domaine du Destin, donnant au film l'aspect d'une tragédie. Tout est donc implacable. N'arrive que ce qui doit inévitablement arriver. Les personnages sont comme prisonniers du destin. S'en rendent-ils compte ? Peut-être...
L'interprétation est au-dessus de tous les superlatifs imaginables. Sobres, intenses, les acteurs jouent sur l'intériorisation de leur rôle. L'exemple d'Yves Montand est frappant : il s'agit sûrement du plus grand rôle de sa carrière.
La réalisation est tout aussi exceptionnelle. Les cadrages, le sens du rythme (lent mais jamais ennuyeux, sobre mais terriblement efficace, évitant tous les pièges de ce genre pourtant très codifié), la direction d'acteur, la photographie, tout y est exemplaire : une véritable leçon de cinéma à chaque instant. Les références au cinéma américain (et principalement à l'autre chef d'œuvre du genre, Quand la ville dort, de John Huston) ne signifient jamais imitation servile (comme c'est trop souvent le cas).