La saga Alien fait partie des monuments du Cinéma et d’une référence absolue dans le domaine de la science-fiction. Elle comporte son lot d’avis divergents et de débats parmi ses amateurs et n’en finit pas d’influencer la culture populaire ainsi que les multiples dérives cinématographiques, jeux vidéo, bande dessinée de l’univers "Horror/SF". Malgré une saga en montagne russe et de multiples avis en tout genre, il me semble intéressant de revenir sur la célèbre quadrilogie film par film. À mon sens, ce qui est fondamental à avoir en tête avant de se lancer dans la saga Alien est de comprendre que chacun des quatre films sera une profonde expression de son réalisateur. Nous sommes face à des œuvres ayant été accouchées par de véritables auteurs ayant chacun apporté leur vision et leurs spécificités à la mythologie du xénomorphe.


C’est après l’abandon du projet cinématographique pharaonique Dune de Alejandro Jodorowsky (je vous conseille l’excellent documentaire Jorowsky’s Dune pour en savoir plus) que le projet Alien : Le Huitième passager pu entrer en préproduction. Certains membres de l’équipe de ce projet avorté et certains concepts artistiques ont travaillé à la conception du film à venir. C’est d’abord le réalisateur, producteur et scénariste Walter Hill qui est envisagé pour la réalisation, mais c’est finalement l’anglais Ridley Scott qui occupera ce poste (Hill écrira tout de même le scénario avec Dan O’Bannon, futur réalisateur de Le Retour des Morts-Vivants). Le cinéaste britannique, dont c’est le second long-métrage après Les Duellistes, se lance donc dans la production du projet Alien. Cette œuvre constituera sa pièce maîtresse aux côtés de Blade Runner. Scott deux œuvres questionnant le rapport de l’Homme face à l’inconnu et son insécurité.


Alien, premier du nom, nous expose le récit suivant (il est possible que les événements qui suivent contiennent des spoilers vous voilà prévenu) :
« En 2122, le vaisseau commercial Nostromo et son équipage en hibernation font route vers la Terre avec une importante cargaison de minerai. Un signal inconnu, émanant d’une planète inconnue, les tire de leur sommeil artificiel. Intrigué, l’équipage se rend sur place et découvre les restes d’un gigantesque vaisseau extraterrestre. Lors de l’exploration de l’épave, l’officier Kane se fait agresser par une forme de vie inconnue. »


Alien exploite une vision d’une science-fiction vieillissante à la Star Wars. Le Nostromo tombe en ruine et ne semble pas totalement répondre aux ordres de ses occupants. C’est dans ce dédale (l’alien étant finalement un hybride humain-animal à la manière du Minotaure, le mot est juste) que Scott nous dévoilera, à travers de brillantes séquences d’expositions, les différents protagonistes à bord en les traitant comme de banals ouvriers. Il est difficile de se centre sur un seul de ces personnages avants la seconde moitié du film tant ils sont filmés avec sincérité et crédibilité. Avant de filmer des personnages individuellement des autres, le cinéaste s’attarde sur le groupe. C’est quand celui-ci se disloquera suite aux attaques de l’alien et aux révélations concernant le personnage de Ash (Ian Holm) que Ripley (Sigourney Weaver) deviendra le personnage principal du récit. Il est à l’époque assez rare d’offrir un personnage féminin fort dans un film de ce type, mais il possède un sens fort et caché et pour cela il faut s’arrêter à ce que symbolise le xénomorphe et son mode de reproduction.


L’alien est une créature au symbolisme terriblement sexuel. Conçu par l’artiste suisse aux designs dérangeants H.R.Giger, le xénomorphe propose une apparence physique proposant nombre de symboles phalliques (la tête, la queue, les excroissances dorsales...). Son mode de reproduction s’apparente d’ailleurs à un viol : Le facehugger sortant de l’œuf féconde de force par voie orale son hôte en l’anesthésiant. L’embryon sortira plus tard de la victime en lui déchirant la cage thoracique donnant ainsi naissance au xénomorphe. Nous connaissons tous des faits divers relatant des personnes ayant été droguées et violées se retrouvant avec un enfant non désiré suite à cela. L’alien est donc bien une métaphore du viol. Certains passages laissent d’ailleurs suggérer que la créature abuse sexuellement du personnage de Lambert (Veronica Cartwright), j’en prends pour exemple le plan où la queue du monstre passe lentement entre les jambes de la jeune femme. L’écran d’ordinateur montrant le capitaine Dallas rejoint par un point (l’alien) peut également suggérer que l’alien vient « féconder » le protagoniste. Le xénomorphe, par ces aspects, gagne en profondeur et en symbolique. Il n’agit pas juste dans le but de tuer, proposant une vision et des concepts bien pires. Il en ressort une créature offrant son lot de dimensions terrifiantes aussi bien physiquement que métaphoriquement parlant. Dans sa manière de venir au monde, il est un symbole des ravages que cause le viol sur le corps.
Il est cependant intéressant de signaler que je me base sur la version cinéma du film et non de la "director's cut". Scott a en effet la fâcheuse tendance à briser lui-même les mythes une fois qu’il s’empare du scénario (visionnez Alien Covenant si vous l’osez). Il rajoute en effet dans « sa » version du film que la créature capture en fait les membres du Nostromo afin de les faire muter en œuf à facehugger. En bref, restez sur la version cinéma qui maintient les aspects les plus intéressants de l’alien.


Le personnage de Ripley, incarné à la perfection par Sigourney Weaver, symbolise la femme forte luttant contre le système (symbolisé par Ash, androïde aveuglément soumis au pilote automatique, « Mother ») et contre le violeur qui est donc l’alien. Elle l’affrontera d’ailleurs finalement dans son plus simple appareil alors que la créature, elle, se cache dans tout coin de manière à bondir sur sa proie. Les scènes de fuite de la jeune femme en 3e acte sont d’ailleurs parmi les plus belles séquences de suspens de l’Histoire du Cinéma. Ripley lutte pour la libération de son corps et de sa condition de femme. Il en ressort une figure profondément féministe. Elle ne sera pourtant jamais comparée à une héroïne dans ce premier film, étant confrontée à l’inconnu et se retrouvant un peu malgré elle comme la dernière survivante du Nostromo. De façon générale aucun personnage n’occupe de rôle principal avant le dernier tiers du film, il n’y a pas de héros.


Ridley Scott, en grand amateur de mythologie, travaille un monde où l’Homme tente de conquérir l’espace à la manière d’un Prométhée voulant voler la flamme des divins. Mais il constate qu’il n’y a pas de Dieux. Aucun symbole christique, aucune spiritualité ne pourra venir en aide à l’Homme. C’est cependant pour cela que les personnages en découvrant le vaisseau extra-terrestre ne sembleront pas vraiment étonnés. Ils sont dans l’idée de conquête, découvrant que Dieu n’existe pas il n’y a pas de raison d’avoir peur d’un quelconque inconnu. Nous le constaterons encore plus dans les suites de la saga, mais c’est bien l’Homme qui sera sa propre destruction. Le personnage de Ash est le symbole de cette société sur le déclin se croyant capable de maîtriser le xénomorphe. L’alien est en quelque sorte la punition de l’ambition démesurée de conquête de l’Homme, il peut être associé à une certaine figure divine.


Je n’ai fait ici que survoler le mythe que propose ce premier Alien qui est à n’en pas douter un chef d’œuvre absolu du septième art. Les acteurs sont impeccables (Sigourney Weaver en tête) et les décors et design de H.R.Giger sont parfaits pour illustrer les propos et symboliques du film. La réalisation de Scott est superbe et rarement un film de science-fiction n’aura su offrir une œuvre aussi maîtrisée et offrant autant de thématiques et métaphores poussées. Il ne fait aucun doute que Alien : Le Huitième Passager est l’un des plus grands films de tous les temps. Il continue encore aujourd’hui d’influencer le cinéma dans son ensemble et nombre d’œuvres culturelles diverses.
Un chef-d'oeuvre complet et absolu.


Les suites sont disponibles ici :
Aliens : https://www.senscritique.com/film/Aliens_Le_Retour/critique/116713023
Alien 3 : https://www.senscritique.com/film/Alien_3/critique/116713044
Alien : Resurrection : https://www.senscritique.com/film/Alien_La_Resurrection/critique/116713057

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