Cet American Gigolo a une réputation bien mitigée. Elle est compréhensible dans le sens où le film raconte des rapports au monde, avec les personnages les expérimentant, plus qu'une intrigue robuste en tant que telle. American Gigolo est riche et fascinant pour les mêmes raisons. Cet objet est aussi dense que Taxi Driver ou Raging Bull de Scorsese, dont le réalisateur Paul Schrader a signé le scénario.
Le gigolo est Julian Kaye, alias Richard Gere. Menant une existence luxueuse mais superficielle, il se satisfait d'apporter le plaisir aux femmes, en particulier les plus mûres qui représentent pour lui un défi supplémentaire, ainsi que des rencontres plus intenses. Il se trouve bientôt mêlé à une enquête concernant l'assassinat de la femme d'un riche financier. L'objet de sa dernière prestation.
American parce que c'est l'histoire de l'individualisme accompli. Bourgeois, matérialiste, oscillant entre conformisme ouvert et transgression. Transgresser est à la fois une fatalité, un accident et une exigence. La question de la loyauté et de valeurs transcendantes comme l'amour se pose aussi. Dans ce monde niché un étage au-dessus de celui du commun des mortels, où tout est horizontal et limpide, avec en même temps les solides frontières de la propriété (dont celles de la puissance ou de la complétude), les loups chopent le blues des nantis assoupis. La rente et la vie facile imposent un certain vide et une solitude. C'est cette jungle dorée et confortable que traverse Julian.
Une aura d'emblème du clinquant des 80s, avec notamment ses déclinaisons de Call Me de Blondie, est venu couronner ce film à la distribution discrète. S'il a connu un échec au box-office, ses qualités ont été remarquées. La rigueur et la sophistication de la mise en scène sont un écrin fabuleux à cet univers traduit par un regard critique et contemplatif. Le clinquant est dompté par l'élégance et un sens de la pureté. Les costumes signés Giorgi Armani ont dopés cette célèbre maison, tandis que la direction artistique de Fernando Scarfiotti (Mort à Venise, Le Dernier Tango à Paris, Scarface) vient compléter l'emprunte de Paul Shrader. Témoignant elle-même de l'influence de Dreyer et Bresson, cette merveille anticipe celles de Tom Ford (A Single Man).
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