Sorti en 2000, Amours Chiennes est le premier long métrage du réalisateur mexicain Alejandro Gonzales Inarritu. Il regroupe les histoires de plusieurs personnages de milieux et de classes radicalement différentes, dont les destinés se croisent suite à un événement majeur – ici, un brutal accident de voiture. Le film est donc partagé en trois parties distinctes. On est d’abord plongé dans l’univers cruel et dérangeant des criminels de bas quartiers, qui survivent à coup de braquages et de combats illégaux de chiens. On assiste ensuite à une farce grotesque, où la relation d’un couple de la haute société vole en éclat en même temps que le parquet de leur appartement. Enfin, on suit le quotidien sordide d’un vieil ivrogne mélancolique, engagé pour abattre le rival d’un homme d’affaire.

A travers ces trois histoires, Inarritu dépeint des relations basées sur la tromperie, le mensonge et l’orgueil. Chaque personnage incarne ce qu’il y a de pire chez l’être humain. Chez le cinéaste, la morale bienfaisante ne triomphe jamais et les liens du sang ne protègent pas du meurtre. Il est même mention de « Abel et Cain » pour décrire une relation fratricide dans la dernière partie du film. Les protagonistes sont plus méprisables les uns que les autres et il est difficile de s’attacher à eux. En revanche, les acteurs offrent tous des performances mémorables. On retiendra notamment Gael Garcia Bernal, pour qui le film ouvrira les portes d’une carrière internationale.

Amours Chiennes surprend avant tout par la qualité esthétique de sa réalisation. Le film tout entier baigne dans un univers froid et poisseux, aux couleurs délavées. Inarritu privilégie une approche réaliste, parfois documentaire, qui nous met face à une violence crue, et symbolise le caractère instable et perturbé de personnages sans espoir de rédemption. La combinaison de cadrages extrêmes, de plans rapprochés et d’un montage frénétique instaurent un climat claustrophobique, qui met volontairement mal à l’aise.

Visuellement, le film est parfaitement abouti. Mais le plus surprenant, c’est la maitrise de la narration. Pour un premier long métrage, Inarritu fait preuve d’une grande habilité pour établir les relations entre ses différents protagonistes, tout en nous maintenant constamment en haleine. On pourra cependant noter que le succès du film repose sur les références à d’autres réalisateurs de renoms, dont Inarritu ne cache pas l’influence. Tarantino tout d’abord. La manière dont les personnages se croisent et s’influencent et les cartons en noir et blanc qui séparent les chapitres rappellent immédiatement Pulp Fiction. De plus, la scène d’introduction est directement tirée de Reservoir Dogs. Ensuite, les connaisseurs apprécieront l’utilisation d’une bande sonore funky et rock’ n’ roll qui fait écho aux débuts de Guy Ritchie – chez qui les petites frappes se retrouvent toujours dans des situations invraisemblables. Sans oublier un portrait du tueur solitaire amateur de lait similaire au Leon de Luc Besson.

La différence c’est que Amours Chiennes est totalement exempt de second degré, si friand aux trois réalisateurs sus-cités. Le titre du film, Amores Perros, fait référence à l’affection que chaque personnage porte à son animal de compagnie. Mais il peut aussi se traduire par « Chienne de Vie ». En ce sens, sa froideur assumée ainsi que le pessimisme des situations rapprochent davantage le film du travail d’Aronofsky sur Requiem for a Dream - une référence en matière d’univers malsain et de personnages sans espoir de lendemain.


Amours Chiennes est considéré comme le premier opus d’une trilogie sur la mort et la perte d’humanité, qui regroupe aussi 21 Grammes et Babel, tous mis en scènes par Inarritu. Pour un premier film, Amours Chiennes est l’œuvre d’un virtuose de la caméra qui méritera une nomination aux Oscars comme Meilleur Film Etranger. Mais c’est surtout une fable tragique et sordide, un drame réaliste au style fiévreux, peuplé de personnages meurtris. La vie est peut-être une chienne, mais l’homme reste un loup pour l’homme.
Nazgulantong
7
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le 14 août 2014

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Nazgulantong

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