Angel Heart s’inscrit parfaitement dans cette catégorie de films dont on se demande si le revisionnage n’est pas une mauvaise idée. Plusieurs arguments vont dans ce sens : son époque, les 80’s, qui fait partie de celles qui vieillissent le plus mal. Son réalisateur, qui ne me convainc décidemment pas vraiment, l’âge auquel j’ai vu et apprécié ce film pour la première fois (soit il y a une grosse vingtaine d’années), et enfin le fait que je connaisse le twist sur lequel repose tout le récit.
Ajoutons à cela des expériences assez désastreuses dans les redécouvertes des Incorruptibles ou de Year of the Dragon, et le tableau est bien chargé.
Contre toute attente, donc, ce film est une bonne surprise. Il appartient certes à son époque, durant laquelle les corps sont huileux de transpiration, le sang baroque comme chez De Palma et le saxo trainant, mais pourtant, l’alchimie opère. Il faut dire que le sujet s’y prête bien : enquête métaphysique ne s’embarrassant pas de subtilité (la lourdeur des symboles fait sourire, comme lorsque Cypher gobe un œuf après avoir expliqué qu’il était le symbole de l’âme, tous les noms propres), reconstitution d’un Harlem des 50’s clinquant à souhait et d’une Nouvelle Orléans poisseuse comme jamais, le film assume clairement ses excès.
On retiendra particulièrement l’attention apportée aux lieux, et notamment tous les effets d’annonce sur le fameux ascenseur final : façades constellées d’échelles, cages d’escaliers, plans obliques dessinent l’architecture maladive de l’intrigue avec un charme indéniable.
Au milieu de ce délire ascendant, Rourke traine sa dégaine habituelle, particulièrement convaincante ici, ménagée par de petites séquences insolites (la très belle séquence sur la plage où l’ancienne diseuse de bonne aventure se refroidit les varices dans l’eau) et des cauchemars assez saisissants. Face à lui, De Niro, impeccable et royal dans un rôle taillé à sa mesure (à une faute de goût près, les yeux jaunes du final).
Clinquant et cradingue, horrifique et baroque, Angel Heart a gardé sa verve, et jouit de ce petit plus alloué à quelques films dont la connaissance du twist final permet une relecture d’autant plus savoureuse.
(7.5/10)