Parker, Louis ne perd jamais.
Assez étrangement, je ne peux m’empêcher de rapprocher Angel Heart de Jacob’s Ladder, bien que ce dernier soit postérieur. Il y a ce quelque chose dans la forme ; bleutée, moite, organique, même si moins clinique. Il y a de cette vision urbaine aliénante et crade, presque malade, complètement dégénérée.
Et ça, j’aime.
Pour en remettre une couche avec le parallèle on y retrouve la thématique du traumatisme, de la quête d’identité, de la guerre, du déni, et tout le décorum religieux qui rajoute à l’ambiance. Et puis il a ce parfum de Barker en filigrane qui chatouille les boyaux : le sang, le sexe, le mal.
On a même la Jézabel (Lisa Bonnet) de circonstance, c’est dire.
Film à twist final qui n’en convaincra plus beaucoup de nos jours, je le concède, Angel Heart c’est avant tout un travail d’ambiance dans lequel il faut se plonger : ingrédients du film noir se diluant peu à peu dans le morbide cauchemardesque, descente progressive annoncée par des séquences énigmatiques parsemées le long du récit annonçant la fatalité de fond, décors semblant au bord de la décomposition, photo viscérale, et même Trevor Jones —en mode minimum syndical tout de même— parvient à appuyer sur la bonne touche de synthé au moment opportun.
Ajoutez des plans impeccablement composés, aux cadrages ciselés (plans de rues, façades d’immeubles et vitrines), et un montage aux ellipses intrigantes pour participer à bâtir une atmosphère glauque, plastique, suintante.
Rourke fait le boulot de manière assez indolente, s’appuyant sur son aura de petite frappe charmante, on adhère ou pas. DeNiro cachetonne déjà, mais avec la sincérité dont ses apparitions manquent désormais cruellement, dégageant au passage une sorte de charisme animal dissimulé sous une obséquiosité de circonstance. Lisa Bonnet, échappée du Cosby Show, démontre que le chaud must go on, et on ne s’en plaindra pas. Et dans l’ensemble tout le monde s’en sort, plus ou moins caricaturalement.
Malgré tout, la fumisterie ambiante ne cache pas quelques indulgences de fond et autres lacunes scénaristiques qui laissent le spectateur un peu sur sa faim faute de personnages suffisamment garnis et de situations au développement pauvre en matière. Trop de raccourcis et de précipitations narratives ôtant pas mal de saveur en arrière goût à l’ensemble.
C’est d’ailleurs en cela que la comparaison avec Jacob’s Ladder s’arrête, le premier étant loin d’atteindre la force symbolique et la résonnance psychanalytique de ce dernier ; sans parler de la substance mélancolique de ses personnages.
Enfin, n’allez pas croire que je note l’un en fonction de l’autre non plus, j’en terminais juste avec l’analogie.
N’empêche que le film de Parker est une bonne pelloche de genre, aux qualités esthétiques et d’ambiance indéniables, et qui en plus de m’avoir donné envie de lire le roman de Hjorsterg, a ravivé mon envie de poursuivre la biblio de Clive Barker.
Et un film qui donne envie de lire ça laisse toujours une bonne impression. (cymballes)