Juste l'une des meilleures adaptations du petit Gaulois

Par Toutatis ! Huit ans après le dernier animé (Astérix et les Vikings, 2006) tout en passant par deux films live qui n’ont pas reçu un bon accueil critique (Astérix aux Jeux Olympiques et Astérix et Obélix : Au service de Sa Majesté), voici que le célèbre petit Gaulois à la moustache blonde effectue son grand retour sur le grand écran. Neuvième long-métrage d’animation depuis Astérix le Gaulois (1967, cela ne rajeunit pas…) qui offre au héros de René Goscinny et d’Albert Uderzo un lifting à part entière après quatre longues années de gestation. Le Domaine des Dieux arrivera-t-il à être le film d’animation de ce Noël 2014 ? Le projet en avait toutes les capacités sur le papier… et le résultat final dépasse, et de très loin, toutes les espérances.

Pourtant, rien n’était gagné d’avance pour ce nouvel opus, surtout en ce qui concerne le passage du dessin en 2D traditionnel au CGI (animation par ordinateur). Un virage à 180° qui aurait pu dénaturer l’esprit de la bande-dessinée, comme le laissait présager l’impression plutôt négative envers les premières photos du film postées sur le net. Sans compter que le casting vocal proposait toute une ribambelle de célébrités (Alexandre Astier, Lorànt Deutsch, Alain Chabat, Géraldine Nakache, Laurent Lafitte, Élie Semoun, Florence Foresti…) tout en faisant rappeler le côté clinquant et prétentieux d’Astérix aux Jeux Olympiques. Et enfin, le fait de savoir Alexandre Astier lui-même à la tête du projet pouvait en effrayer plus d’un, son humour voire son univers n’étant pas spécialement attaché à celui d’Astérix. Au plus grand des soulagements, ces diverses craintes s’avèrent être les atouts qui font du Domaine des Dieux l’une des meilleures adaptations de l’œuvre de Goscinny et d’Uderzo, talonnant de près l’inoubliable Les 12 Travaux d’Astérix.

Tout d’abord le style visuel. Il faut savoir que Louis Clichy, co-réalisateur avec Astier, a été animateur chez Pixar et a apporté sa contribution sur WALL-E et Là-Haut, excusez du peu ! Ce cinéaste de l’animation n’est donc pas un novice en la matière et le montre : il arrive à donner du relief à des personnages de papier et d’encre tout en gardant leurs traits d’origine. Ces derniers prennent vie sans que cela ne choque le fanatique le plus averti de la bande-dessinée, dans des décors qui sauront faire vibrer la fibre nostalgique de chacun (en particulier le village Gaulois). Clichy aurait très bien pu s’en contenter, il nous offre en bonus une mise en scène qui dynamise le tout par des séquences virevoltantes (la chasse au sanglier, les effets de la potion magique, les bagarres…), certaines à la limite du cartoonesque pour le plaisir de tous, petits et grands.

Pour la distribution vocale, Alexandre Astier et Louis Clichy ont changé la donne en matière de doublage : au lieu de poser la voix des interprètes sur des images, ces derniers ont enregistré leurs répliques avant que l’animation ne soit réalisée (comme cela se fait pour les jeux vidéo). Les concepteurs des effets visuels ont donc pu travailler les personnages et donc l’animation à partir des voix du casting, pour un rendu beaucoup plus crédible question synchronisation. Ce qui a permit aux nombreuses célébrités de se défouler comme bon leur semblait, et le résultat s’avère être des plus convaincants : elles sont reconnaissables mais arrivent à se confondre derrière leur personnage respectif (mention spéciale à Florence Foresti en Bonnemine). Mais la nostalgie frappe encore avec l’ultime participation de Roger Carel, 87 ans, dont la mélodieuse voix rappelle qu’il est l’éternel interprète du petit Gaulois. Et que lui trouver un remplaçant pour un éventuel projet futur s’avèrera être la tâche la plus ardue pour une adaptation de la bande-dessinée. En ce qui concerne Guillaume Briat, il faut bien avouer qu’il livre un Obélix appréciable, mais encore bien en-dessous du côté attachant et simplet que ce que nous offrait le regretté Pierre Tornade par le passé.

Quant à Alexandre Astier, il fait mieux qu’Alain Chabat et son Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre. Il fait bien plus qu’imposer sa patte et son univers, il les marie avec ceux de René Goscinny. Il se permet tous les délires possibles, en passant par quelques références cinématographiques (Le Seigneur des Anneaux, King Kong, Avengers…) et des délires dont lui seul a le secret, tout en reprenant les gags et répliques inventés par Goscinny. Sans jamais faire défaut une seule fois à la bande-dessinée originelle, en reprenant les grandes lignes (la première partie, principalement) et gags qui ont marqué toute une génération de lecteurs. Constat : la moindre trouvaille comique, l’intégralité des situations humoristiques… tout fait mouche, sans la moindre exception. Et comme il s’agit de base d’un divertissement pour enfant, ne pouvant totalement se lâcher, Astier se rattrape en mettant en avant les diverses thématiques de la bande-dessinée (l’écologie, la déforestation, la surpopulation, le monde des entrepreneurs, la grève) qui font encore écho aujourd’hui (la BD date tout de même de 1971 !).

Dire qu’Alexandre Astier ait adapté Le Domaine des Dieux s’éloigne de la vérité. Il se l’est carrément approprié. Il a réussi à en faire, avec l’aide de Louis Clichy, un spectacle de toute beauté et pour tous les âges, pour ne pas dire le meilleur film d’animation de cette année 2014. Si ce n’est pas le cas, Le Domaine des Dieux restera comme le retour en force dont avait besoin Astérix pour faire oublier ses derniers échecs. Même, Astier lui offre bien plus qu’une renaissance : une des adaptations les plus fidèles et les plus marquantes de l’œuvre du tandem Goscinny/Uderzo. Et rien que pour cela, il faut espérer que, pour Astier, cela ne soit pas le banquet final et qu’il projette de s’atteler à un nouvel opus, par Bélénos !

Créée

le 26 nov. 2014

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