"La maison des otages",version branquignols.Deux taulards évadés lors d'un transport médical se réfugient dans le pavillon d'une famille bourgeoise dont les membres vont tous se révéler frappadingues et beaucoup plus dangereux qu'eux.Après avoir coécrit "Deuxième vie" de Patrick Braoudé,qui intervient ici en tant que conseiller technique,Francis Palluau réalise son premier film,dont il signe également le scénario et les dialogues.Ce sera aussi le dernier,du moins pour l'instant,ce qui est dommage car,sans être transcendant,il s'agit d'une comédie bien agencée et souvent très drôle.L'idée d'inverser les rôles entre victimes et truands donne lieu à de savoureux développements et Palluau parvient grâce à une belle qualité d'écriture et un excellent sens de la relance à éviter l'effet théâtre filmé,vu que la majorité du film se déroule dans la maison des Rozes.Ce décor est d'ailleurs bien utilisé puisqu'on change sans arrêt de pièce,et il y en a pas mal,tandis que quelques scènes filmées dans d'autres endroits aèrent opportunément l'ensemble.Pas de gags énormes ici mais un humour sous-jacent constant et empreint d'une roborative méchanceté.La limite de l'oeuvre est du reste que ça ne va pas assez loin dans ce sens et qu'on sent l'auteur bridé par son ambition grand public,même s'il y va souvent fort.La puissante caractérisation des personnages permet à tous d'exister,et leurs interactions,habilement menées,fonctionnent très bien,un système de flashbacks bien placés dynamisant ponctuellement l'action.Tout ça se délite un peu vers la fin mais on passe globalement un bon moment devant ce jeu de massacre présentant les membres trop coopératifs d'une famille bourgeoise BCBG totalement déchaînés et désinhibés par la situation,qui en profitent pour régler leurs comptes en espérant incriminer à leur place les deux gentils bandits bien couillons.Il fallait évidemment pour que ça tienne le choc une distribution à la hauteur,et on n'est pas déçu sur ce point.Les malfrats ont les traits de Jean Dujardin,pas encore une mégastar à l'époque,et Lorant Deutsch.Leur numéro de clown blanc et d'auguste est bien huilé et leur effarement face aux délires de leurs hôtes tout-à-fait hilarant.Ce sont naturellement les acteurs incarnant les Rozes qui sont les plus croustillants.André Wilms est impeccable en caviste sympa et souriant cachant les sombres desseins d'un assassin manipulateur et Carole Bouquet,qui joue son épouse,est fantastique.Elle a rarement été aussi bandante,et elle le fut pourtant souvent,et excelle en allumeuse racée prête à toutes les horreurs sous son vernis chic.Leur fille,c'est aussi quelque chose,et Clémence Poésy crève l'écran en petite salope aussi chtarbée que ses parents,la scène où elle chauffe Deutsch est anthologique et nous offre la vision de sa sublime paire de nibards.Les seconds couteaux sont de grande classe avec Michel Duchaussoy en vieux beau hypocondriaque,Olivier Saladin en voisin hyper pénible,Dominique Pinon en policier démotivé au bord de la retraite,la jolie Beatrice Rosen qui passe le film enfermée dans un coffre de bagnole,l'animatrice télé Daniela Lumbroso en journaliste ou un tout jeune Jean-Baptiste Shelmerdine qui semble rôder ici le personnage de baba-cool embrumé qui sera le sien dans la série "Nos chers voisins".Seule Yolande Moreau,qui comme d'hab en fait 36000 fois trop,parvient à se rendre insupportable en deux minutes d'apparition à l'écran.C'est Charles Gassot qui produit et la musique ironique de Serge Perathoner et Jannick Top soutient efficacement la narration,tandis que les passages tout au long de l'histoire d'un quatuor de randonneurs chantonnant apporte une légère étrangeté à l'affaire.